Désescalade thérapeutique en oncologie gynécologique : "Less is More"
Emmanuel BARRANGER
Jean-Luc MERGUI
Comme de nombreux domaines de la société, la médecine vit depuis le début du 21ème siècle une véritable révolution avec : l’intégration de nouvelles technologies de l’informatique, l’accès facilité aux analyses génétiques, le développement de la chirurgie robot-assistée et de la chirurgie ambulatoire. Cette médecine au 21ème siècle plus personnalisée et anticipant les pathologies constitue une rupture par rapport à ce nous avons connu au cours du siècle précédent.
Ces évolutions prennent en effet mieux en compte le rapport bénéfice/risque du traitement à l’échelon individuel ainsi que le souhait des patients désormais plus actifs dans la prise en charge de leur pathologie, rendant les soins plus appropriés, proportionnés, dans le but d'améliorer la qualité de vie des patients sans pour autant obérer les résultats des traitements proposés à moyen et long terme.
Il en est ainsi du curage ganglionnaire pour le cancer du sein, désormais remplacé par l'exploration et le prélèvement du seul ganglion dit sentinelle dont les contre-indications sont de plus en plus rares. Curage axillaire qui n’est par ailleurs, plus systématiquement pratiqué même en cas de ganglion sentinelle "métastatique". Cette désescalade chirurgicale pour le cancer du sein, cancer le plus fréquent de la femme, vise à améliorer la qualité de la vie des patientes lorsque le traitement le plus agressif ne démontre pas sa supériorité carcinologique par rapport au traitement moins morbide.
Il en est de même pour la prescription d'une chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein dont les indications tendent aussi à se réduire grâce à l’utilisation des tests moléculaires qui aideront à mieux sélectionner les patientes à faible risque métastatique dont le bénéfice attendu devant une appréciation du profil génomique ne justifie pas de ce traitement. Ces tests permettent également de limiter les disparités géographiques de prescription de chimiothérapie.
D’autres adaptations personnalisées des pratiques thérapeutiques dans le cancer du sein sont en cours, telles que la prolongation éventuelle des traitements hormonaux de 5 à 7 ans voire 10 ans pour les patientes à risque élevé de récidive, prolongation qui n'est pas sans conséquences sur la qualité de vie.
La désescalade en radiothérapie est aussi en marche avec la diffusion de la radiothérapie per-opératoire indiquée pour les patientes ayant un cancer du sein de bon pronostique et freinée pour le moment par l’absence de valorisation financière de cet acte.
Dans les cancers de l'ovaire, les curages lombo-aortiques systématiquement pratiqués jusqu’à présent pour les stades avancés opérés en R0 sont également remis en question.
La radicalité du traitement chirurgical du cancer du col tant au niveau ganglionnaire qu’utérin fait aussi l’objet de nombreuses controverses : faut-il toujours envisager des curages ganglionnaires étendus quelque soit le stade initial ? et dans le cancer invasif du col utérin faut-il toujours prévoir l'ablation de l'utérus ? Peut-on désormais conserver les paramètres, quel est le rôle de la conisation dont la place "pronostique" pourrait permettre une aide à la décision thérapeutique ?
Quelle peut être la place de la technique des ganglions sentinelles dans les cancers pelviens : col et l'endomètre, et pour ce dernier comment envisager une prise en charge chirurgicale plus simple en fonction de critères histologiques et sur l'imagerie préopératoire.
La préservation de la fertilité, mieux prise en considération, représente une finalité légitime de la désescalade thérapeutique et du juste traitement qui se doit d’être adapté et proportionné à chacun.
La généralisation de l’analyse génétique constitutionnelle à la recherche de mutations délétères favorisant l’apparition de certains cancers tend aussi à modifier nos pratiques médicales et chirurgicales par la réalisation de gestes plus fréquemment préventifs que curatifs.
C'est parce que ces questions préoccupent notre pratique médicale quotidienne et celle de nos patientes que nous avons demandé à des experts de participer à la rédaction dans ce numéro spécial.