L’incidence du cancer du sein en France est de 54000 nouveaux cas en 2015 et 12000 décès (source INCA).

L’utilisation de la chimiothérapie, traitement incontournable pour les cancers très proliférants, peut être remise en question et doit se justifier car les effets secondaires sont non négligeables voire mortels.

 

Grâce au dépistage organisé et à l’accès à des mammographies performantes par numérisation, nous diagnostiquons des cancers beaucoup plus précoces et la durée de vie sans récidive a nettement augmenté ces dernières années.

 

A l’heure de l’information et de la liberté de choix des patientes, il ne s’agit plus de prescrire pour se couvrir mais bien d’avoir l’attitude thérapeutique la plus efficace et la moins délétère possible pour permettre une bonne qualité de vie après le traitement aigu du cancer.

 

Avec l’avènement de l’étude des gènes de la tumeur initiée par la classification moléculaire, l’aide à la décision pour une chimiothérapie n’est plus seulement basée sur les critères clinico-pathologiques comme la taille de la tumeur, l’atteinte ganglionnaire, le grade histo-pronostique, les emboles vasculaires, les récepteurs hormonaux, la surexpression d’HER2, le Ki67 et l’âge, mais aussi sur des critères génomiques.

 

L’objectif des tests génomiques est de faire la dichotomie entre des cellules bonnes répondeuses ou pas à la chimiothérapie pour éviter une « dépotentialisation » de nos choix de traitement sur des cellules non répondeuses.

 

Il existe aujourd’hui 4 tests génomiques : Oncotype DX, MammaPrint, Prosigna et EndoPredict. Ils se différencient par le périmètre de validation clinique, les populations étudiées et les types d’études afin d’être applicables pour le plus grand nombre de patientes et dans les situations les plus équivoques.

Les réponses attendues à l’utilisation des ces test sont :

  • la validation
  • la rigueur
  • la correspondance entre les tests
  • la reproductibilité entre les différents tests délocalisés
  • le panel de gènes utilisés : cycle cellulaire, invasion, angiogénèse et métastase.
  • la correspondance avec la classification moléculaire de la tumeur

 

Les différentes validations cliniques de ces tests ont permis de les classer en tests pronostics de l’absence de récidive sous hormonothérapie seule comme pour les récepteurs hormonaux et/ou prédictifs du bénéfice de la chimiothérapie comme les thérapies ciblées pour l’HER2.

 

Pour Oncotype Dx, l’analyse par qRT-PCR est centralisée. Elle se base sur 21 gènes pour lesquels les poids se portent différemment entre les gênes de prolifération (angiogénèse et invasion), de cycle cellulaire et de métastase. La formule correspond à

RS = 0,47. HER2 – 0,34. ER + 1,04. Prolifération  + 0,10.envahissement + 0,05.CD68 – 0,08.GSTM1 – 0,07.BAG1

La validation clinique de ce test a porté sur des patientes pré et post-ménopausées avec récepteurs hormonaux positifs, HER2 non surexprimé et initialement sans atteinte ganglionnaire. L’étude RxPonder en cours permet d’intégrer l’atteinte d’au moins 3 ganglions envahis.

Le RS est scindé en 3 risques, élevé, intermédiaire et faible. L’étude TAILORx en cours permettra de trancher sur la phase intermédiaire pour laquelle les premiers résultats placeraient les bas risques à partir de 25 au lieu de 18.

 

Pour MammaPrint, l’analyse se fonde sur 70 gènes selon la technique de micro-array DNA. C’est la seule technique réalisée en tissus frais, et elle est centralisée.  L’étude prospective MINDACT a permis de classer les patientes en bas ou haut risque de récidive en comparant les critères selon Adjuvant Online et le test génomique. La validation clinique a porté, dans l’étude principale MINDACT, sur des patientes pré et post-ménopausées, présentant de 0 à 3 atteintes ganglionnaires quelques soient les récepteurs hormonaux et l’expression d’HER2.

 

Pour Prosigna, le test est réalisé par hybridation du mRNA par nCounter sur des plateformes locales décentralisées. L’analyse princeps s’est basée sur la signature PAM50 qui compare 50 gènes de la tumeur à la classification moléculaire selon les 4 sous-types luminal A et B, HER2+ et triple négatif sur une plateforme centralisée. Les tests de Prosigna ABCSG8 réintègrent 46 de ces gènes à la taille de la tumeur afin de calculer le risque de récidive ROR (risk of recurrence) sur des plateformes délocalisées. La validation clinique a porté sur des patientes ménopausées, récepteurs hormonaux positifs, HER2 non surexprimé, avec ou sans atteinte ganglionnaire. Le ROR classe les patientes en 3 groupes de risque haut, intermédiaire et bas.

 

Pour EndoPredict, l’analyse est réalisée en qRT-PCR sur des plateformes locales décentralisées à partir de la cohorte TransATAC sur la base des études ABCSG6 et 8. L’analyse mathématique intègre le poids de 12 gènes, la taille et le nombre de ganglions envahis selon la formule sclin = 0,35.t + 0,64.n + 0,28.s, pour obtenir un résultat Epiclin. La validation clinique a intégré des femmes ménopausées avec récepteurs hormonaux positifs, HER2 non surexprimé et avec ou sans atteinte ganglionnaire. Le score de risque est classé en bas et haut risque.

EndoPredict est en cours de validation du test sur les carcinomes lobulaires connus pour être moins sensibles à la chimiothérapie et pour les thérapies néo-adjuvantes.

 

Si tous ces tests génomiques informent sur le risque de récidive sous hormonothérapie à 5 ans pour MammaPrint et 10 ans pour les autres, il existe des différences de validation en lien avec la force des études et leur niveau de preuve fondée sur l’EBM (Evidence Based Medecine). En effet, pour les études initiées en prospectif sur l’analyse des gènes tumoraux de la cohorte ATAC d’Oncotype Dx, la valeur pronostique du test permet d’obtenir la survie sans métastase et de savoir s’il existe un réel bénéfice à la chimiothérapie pour éviter une récidive à 10 ans comme pour MammaPrint.

Pour MammaPrint, la réponse est donnée en prospectif sur la survie sans métastase à 10 ans.

Pour EndoPredict et Prosigna, l’avantage de ces études bien que rétrospectives, est l’apport des critères cliniques dans le calcul du risque de rechute contrairement aux deux autres tests.

Le risque de la décentralisation des tests est la perte de reproductibilité qui à ce jour n’a pas été retrouvé dans les études d’EndoPredict et Prosigna.

 

C’est par cette EBM que l’AJCC a intégré les tests génomiques dans la classification des cancers du sein avec un stade IA pour une tumeur avec un recurrence score (d’Oncotype Dx) inférieur à 11. La valeur prédictive de réponse à la chimiothérapie calculée sur le RS d’Oncotype Dx correspond à niveau de preuve IB, le score de MammaPrint un niveau II et EndoPredict et Prosigna un niveau III (voire II pour Prosigna).

 

Conclusion

La généralisation de l’utilisation de ces tests génomiques nous est rendue plus facile depuis avril 2016 avec le remboursement par les RIHN justifié par l’apport médico-économique de l’utilisation de ces tests et l’impact sur la prise en charge des patientes.

La question se pose de la systématisation de l’utilisation de ces tests à l’instar du dosage des récepteurs hormonaux ou de la recherche de la surexpression d’HER2.  Le choix d’un test par rapport à un autre dépend de plusieurs facteurs :

- organisationnels,

- d’accès et de la proximité aux plateformes,

- des modes de financement,

- du délai de rendu des résultats qui peuvent être longs

Néanmoins, la réflexion scientifique doit primer et permettre une corrélation parfaite entre les critères cliniques de la patiente et les critères cliniques de validation de chacun des tests.

 

Références

 

1. C. Markopoulos, C. van de Velde, D. Zarca, V. Ozmen, R. Masetti. Clinical evidence supporting genomic tests in early breast cancer: Do all genomic tests provide the same information? Clinical evidence supporting genomic tests in early breast cancer: Do all genomic tests provide the same information? Eur J Surg Oncol. 2017 May;43(5):909-920.

2. San Miguel L, Dubois C, Gerkens S, Harrison J, Hulstaert F. MammaPrint® test for personalised management of adjuvant chemotherapy decisions in early breast cancer. Health Technology Assessment. 2018. KCE Reports 298.

3. Armando E. Giuliano; James L. Connolly; Stephen B. Edge; Elizabeth A. Mittendorf; Hope S. Rugo; Lawrence J. Solin; Donald L. Weaver; David J. Winchester; Gabriel N. Hortobagyi : Breast Cancer- Major Changes in the American Joint Committee on Cancer Eighth Edition Cancer Staging Manual. CA CANCER J CLIN 2017;00:00–00

4. Ivana Sestak Richard Buus, Jack Cuzick, Peter Dubsky, Ralf Kronenwett, Carsten Denkert, Sean Ferree, Dennis Sgroi, Catherine Schnabel, Frederick L. Baehner, Elizabeth Mallon, Mitch Dowsett. Comparison of the Performance of 6 Prognostic Signatures for Estrogen Receptor–Positive Breast Cancer. A Secondary Analysis of a Randomized Clinical Trial. JAMA Oncol ,2018 ;4(4):545-553.

5. Dubsky P(1), Brase JC, Jakesz R, Rudas M, Singer CF, Greil R, Dietze O, Luisser I, Klug E, Sedivy R, Bachner Bachner M, Mayr D, Schmidt M, Gehrmann MC, Petry C, Weber KE, Fisch K, Kronenwett R, Gnant M, Filipits M. The EndoPredict score provides prognostic information on late distant metastases in ER+/HER2- breast cancer patients. Br J Cancer. 2013 Dec 10;109(12):2959-64.