Dr Amélia FAVIER (1), Pr Geoffroy CANLORBE (2)

(1) Service de chirurgie gynécologique de l'hôpital TENON, APHP

(2) Service de chirurgie gynécologique de la Pitié-Salpêtrière, APHP

Avec une estimation de 65 950 cas par an en 2022 aux Etats-Unis, le cancer de l’endomètre est le 4ème cancer en termes d’incidence derrière le cancer du sein, du colon-rectum et du poumon [1]. L’incidence du cancer de l’endomètre a augmenté ces dernières années avec notamment le vieillissement de la population et l’augmentation de l’obésité [2]. L’adénocarcinome de l’endomètre représente 90% des cancers de l’utérus, il se développe à partir de l’épithélium glandulaire de la muqueuse utérine : l’endomètre. Les 10% restant correspondent aux sarcomes tels que les sarcomes du stromal endométrial et les léiomyosarcomes. Rapidement symptomatique compte tenu de la survenue de métrorragies (post ménopausiques dans 95 à 98% des cas), sa découverte se fait à un stade précoce (Stade 1 dans 90 % des cas) avec un taux de survie à 5 ans de 95% [3]. Cependant, une fois que le cancer s'étend aux organes distants, le pronostic est sombre avec un taux de survie à 5 ans de 17 %.

Ces dernières années, de nombreuses études ont exploré les facteurs pronostiques tels que le type anatomopathologique (endométrioïde, non-endométrioïde et mixte), le grade histologique, l'invasion vasculaire, la stadification de la tumeur… avec une reproductibilité insuffisante. Les recherches se sont donc tournées vers l’analyse génomique des cancers, comme les altérations moléculaires, pour fournir une nouvelle classification pronostique plus précise.

C’est pour cela qu’en 2017, le Proactive Molecular Risk Classifier for Endometrial Cancer (ProMisE) a décrit quatre groupes de pronostic moléculaire : les tumeurs à ADN polymérase epsilon (POL-E) ultramutées qui ont le meilleur pronostic, les tumeurs avec instabilité des microsatellites/mismatch repair deficient (MSI/MMRd) hypermutées qui ont un pronostic intermédiaire, les tumeurs anormales à p53 qui ont le pire pronostic et les tumeurs à faible altération du nombre de copies qui ont un pronostic bon à intermédiaire [4]. Initialement, les tumeurs MSI ou MMRd étaient recherchés uniquement dans un contexte de syndrome de Lynch avec une enquête familiale sous-jacente (critère BETHESDA) et représenté entre 3 et 5% de l’ensemble des cancers de l’endomètre [5]. Elle se faisait à l’aide de l’immunohistochimie (IHC), une technique peu couteuse et disponible dans tous les laboratoires d’anatomopathologies, en recherchant l’expression de la protéine d’un des 4 gènes du système MMR : hMLH1, hMSH2, hMSH6, or hPMS2. Il a été découvert par la suite qu’il existait ces mêmes mutations (accumulation ou insertion de nucléotide dans des séquences répétées codantes) mais somatiques (au sein de la tumeur uniquement) qui permettait d’élargir ces tumeurs de 17 à 33% de l’ensemble des cancers de l’endomètre. Son important infiltrat lymphocytaire place ces tumeurs MSI/MMRd comme cibles idéales à l’immunothérapie [6].

Depuis 2018, les recommandations du National Comprehensive Cancer Network préconisent la recherche du statut MMR chez toutes les patientes atteintes d’un cancer de l’endomètre. Nombreux centres utilisent uniquement l’IHC afin de rechercher le statut MMR car c’est une technique peu couteuse, sensible et reproductible [7]. Elle est cependant moins robuste que l’examen moléculaire, car dépendante de la qualité de l’échantillon, de l’anti- corps, de l’automate et du système de révélation utilisés. D’après ces données, l’Institut National du Cancer (INCa) a rédigé en 2021 un référentiel de bonne pratique clinique afin de lutter contre l’hétérogénéité de l’évaluation du statut MMR tumoral en France pouvant compromettre une bonne qualité de soin [8].  Il est recommandé de compléter l’IHC (4 proteines et méthylation du promoteur de MLH1 si perte de l’expression de la proteine MLH1 par la biologie moléculaire l’aide d’une pentaplex de 5 nucléotides choisit parmi 8 (BAT-25, BAT-26, NR-21, NR-24, NR-27, D5S346, D2S123, and D17S250) ou à l’aide du next-generation sequencing, tout immunomarquage complexe, équivoque (ou « douteux ») des protéines MMR.

D’après les récentes données cliniques, pronostiques et théranostiques mise à disposition, l’European Society of Gynecological Oncology/European Society for Radiotherapy and Oncology/European Society of Pathology (ESGO/ESTRO/ESP) à réactualisé en 2021 sa classification pronostique qui est devenue décisionnaire dans la stratégie thérapeutique des patientes atteintes d’un cancer de l’endomètre [9]. Cette classification classe les tumeurs en 5 groupes à risques (bas risque, risque intermédiaire, risque haut-intermédiaire, haut risque, risque avancé) en fonction des 3 types histologiques, du grade, de la présence d’embole vasculaire, du stade de la maladie et des caractéristiques moléculaires de la tumeur. Dans les stades précoces, elle permet de convenir de l’approche chirurgicale locale et ganglionnaire et de la stratégie thérapeutique adjuvante comprenant la radiothérapie, la curiethérapie et la chimiothérapie. En addition de l’évaluation du statut MMR établit par l’INCa, il est recommandé de rechercher par IHC les tumeurs p53 et en biologie moléculaire les tumeurs POL-E mutée en particulier pour les tumeurs à « haut risque ». L’analyse de la mutation POL-E peut être facultative dans les tumeurs « bas risque » ou « risque intermédiaire » avec un bas grade histologique.

En conclusion, les caractéristiques moléculaires des tumeurs sont devenues incontournable dans la pratique clinique, pronostique et thérapeutique des patientes atteintes d’un cancer de l’endomètre. L'immunothérapie notamment en cas de maladie avancée ou métastatique avec des tumeurs MMRd, suscite une attention considérable, puisque plus de 50 essais cliniques portant sur l'immunothérapie dans les cancers de l’endomètre ont été répertoriés sur le site clinicaltrials.gov.

 

Références

1 American Cancer Society. Facts & Figures 2022. American Cancer Society. Atlanta, Ga. 2022.

2 Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Volume 1 – Tumeurs solides. ;:372.

3 Siegel RL, Miller KD, Fuchs HE, Jemal A. Cancer statistics, 2022. CA A Cancer J Clinicians 2022;72:7–33. doi:10.3322/caac.21708

4 Talhouk A, McConechy MK, Leung S, Yang W, Lum A, Senz J, Boyd N, Pike J, Anglesio M, Kwon JS, et al. Confirmation of ProMisE: A simple, genomics-based clinical classifier for endometrial cancer: Molecular Classification of EC. Cancer 2017;123:802–13. doi:10.1002/cncr.30496

5 Meyer LA, Broaddus RR, Lu KH. Endometrial Cancer and Lynch Syndrome: Clinical and Pathologic Considerations. Cancer Control 2009;16:14–22. doi:10.1177/107327480901600103

6 Ryan N a. J, Glaire MA, Blake D, Cabrera-Dandy M, Evans DG, Crosbie EJ. The proportion of endometrial cancers associated with Lynch syndrome: a systematic review of the literature and meta-analysis. Genet Med 2019;21:2167–80. doi:10.1038/s41436-019-0536-8

7 Koh W-J, Abu-Rustum NR, Bean S, Bradley K, Campos SM, Cho KR, Chon HS, Chu C, Cohn D, Crispens MA, et al. Uterine Neoplasms, Version 1.2018, NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology. J Natl Compr Canc Netw 2018;16:170–99. doi:10.6004/jnccn.2018.0006

8 Évaluation du statut MMR tumoral/synthèse, Collection Recommandations et référentiels, novembre 2021.

9 Concin N, Matias-Guiu X, Vergote I, Cibula D, Mirza MR, Marnitz S, Ledermann J, Bosse T, Chargari C, Fagotti A, et al. ESGO/ESTRO/ESP guidelines for the management of patients with endometrial carcinoma. Int J Gynecol Cancer 2021;31:12–39. doi:10.1136/ijgc-2020-002230