Cancer in children born after frozen-thawed embryo transfer: A cohort study.
Sargisian N, Lannering B, Petzold M, Opdahl S, Gissler M, Pinborg A, Henningsen AA, Tiitinen A, Romundstad LB, Spangmose AL, Bergh C, Wennerholm UB.PLoS Med. 2022 Sep 1;19(9):e1004078. doi: 10.1371/journal.pmed.1004078. eCollection 2022 Sep.PMID: 36048761 

Résumé d’article : Patrice CLÉMENT, Charles BRAMI

Depuis de nombreuses années, les protocoles d’AMP intègrent les techniques de congélation et de décongélation d’embryons avant transfert intra-utérin. Ces techniques de congélation ont permis de transférer un nombre limité d’embryons frais et de congeler les embryons dits « surnuméraires » afin d’augmenter les chances de grossesses correspond à une même ponction ovocytaire.
Depuis plusieurs années, dans la majorité des pays, on voit apparaître un nombre significativement plus important de transfert d’embryons congelés.
A tel point que dans de nombreux pays, le nombre d’enfants nés par transfert d’embryons congelés-décongelés est supérieur au nombre d’enfants nés de transfert d’embryons frais. Cette augmentation est principalement liée à la technique dite de « freeze-all » qui correspond à la congélation de toute la cohorte embryonnaire d’une ponction sans transfert d’embryons frais (Stormlund S et col, 2020 ; Wei D et col, 2019). L’intérêt de ce protocole est de diminuer l’impact négatif sur l’embryon de l’hyper-oestradiolémie lée à la  stimulation et de diminuer le risque de syndrome d’hyper-stimulation ovarienne amplifié en cas de grossesse.
Les auteurs de cette publication ont souhaité savoir si les méthodes de congélation d’embryons et de transfert d’embryons décongelés étaient à risque augmenté de cancer chez les enfants nés de ces techniques.
Cette étude a été réalisé en reprenant les données épidémiologiques des registres (ceux des cancers de l’enfant, ceux des enfants nés d’AMP et ceux des enfants nés de grossesses spontanées) de 4 pays du nord de l’Europe : Danemark, Finlande, Norvège et Suède. Ces registres sont particulièrement bien tenus et permettent d’obtenir des données fiables et complètes.
Les critères d’inclusion pour les trois populations sont :

  • Tous les enfants nés après transferts d’embryons frais
  • Tous les enfants nés après transferts d’embryons décongelés
  • Tous les enfants nés de couples n’ayant pas eu accès aux différentes techniques d’AMP et donc nés de grossesses spontanées pendant la période d’inclusion.

Dans les trois groupes, tous les enfants étaient pris en compte, y compris singleton, jumeaux et plus.
Les premières données ont comparé ces populations avec la totalité des cancers apparus chez les enfants avant l’âge de 18 ans. Puis une comparaison a été faite en fonction des différents cancers de l’enfant tels qu’ils sont définis dans la Classification Internationale des Cancer (htpps://seer.cancer.gov/iccc/iccc-iarc-2017.html).
L’étude a été faite avec des enfants nés sur une période allant de 1984 à 2015, incluant 7.944.248 enfants nés de grossesses spontanées et 171.774 enfants nés de grossesses obtenues après tentatives d’AMP.
Le taux d’incidence de l’ensemble des cancers chez les enfants nés après AMP est de 19,3/100.000 (moyenne d’âge du diagnostic de 6,0 ans) et chez les enfants nés après grossesses spontanées de 16,7/100.000 (moyenne d’âge du diagnostic de 6,8 ans). Après ajustement ces différences ne sont pas significativement significatives pour les cancers pris dans leurs globalité. Néanmoins, si l’on raisonne par type de cancer, on note quand même une augmentation du risque pour les mélanomes et les tumeurs épithéliales dans le groupe des enfants nés après AMP.
Le taux d’incidence des cancers chez les enfants nés après transferts d’embryons congelés est de 30,1/100.000, ce qui est une différence significative à la fois par rapport aux enfants nés de grossesses spontanées et des enfants nés après transferts d’embryons frais. Les deux cancers les plus retrouvés sont le cancer du système nerveux central et la leucémie.
Les raisons de l’augmentation possible de ce risque de cancers ne sont pas connues actuellement. Certaines études font l’hypothèse d’une cause de modification des processus épigénétique pouvant entrainer des modifications d’empreintes génomiques avec une perturbation de l’expression de certains gènes (Barberet J et col, 2021).
Néanmoins, les auteurs précisent que ces résultats doivent être interprétés avec précaution car d’autres études ne retrouvent pas cette augmentation de risque (Luke B et col, 2020).
A contraire, une autre étude danoise (Haergreave M et col, 2019) retrouve un taux d’incidence du risque de cancer légèrement augmenté chez les enfants nés après transfert d’embryons congelés, mais sur un nombre très faible de cas.
Ces données sont donc soumises à controverse mais cette publcation est très intéressante car elle est basée sur les registres très complets des pays nordiques, sur une longue période et avec des résultats robustes et contrôlés après ajustement.
Les auteurs concluent néanmoins que ces résultats doivent être pris avec précaution dans la mesure où le nombre d’enfants avec des cancers est assez faible. Ils notent également que le risque de base est très faible et que l’augmentation retrouvée amène le risque à un niveau qui reste faible.

Commentaire d’article.
Cet article est intéressant et nous oblige à nous poser la question de la pertinence des congélations embryonnaires dans les nouvelles stratégies de « freeze-all ». Ces protocoles devant être discutés par les équipes d’AMP au regard de ces données en gardant toujours à l’esprit la notion de bénéfice-risque pour la patiente et pour l’enfant à naître.
Il faut aussi noter que cette étude a été faite sur une période pendant laquelle les embryons étaient congelés principalement par des techniques de congélation lente, alors que depuis la mise en place des protocoles de «freeze-all» ce sont en grande majorité des techniques de congélation ultra-rapide (vitrification) qui sont utilisées dans les centres d’AMP. Ces données devront donc être confirmées par des études sur un plus grand nombre d’enfants atteints de cancers, nés après transferts d’embryons à la fois après congélation lente mais aussi après vitrification.

 

Références :

Cancer in children born after frozen-thawed embryo transfer: A cohort study.
Sargisian N, Lannering B, Petzold M, Opdahl S, Gissler M, Pinborg A, Henningsen AA, Tiitinen A, Romundstad LB, Spangmose AL, Bergh C, Wennerholm UB.PLoS Med. 2022 Sep 1;19(9):e1004078. doi: 10.1371/journal.pmed.1004078. eCollection 2022 Sep.PMID: 36048761 

Freeze-all versus fresh blastocyst transfer strategy during in vitro fertilisation in women with regular menstrual cycles: multicentre randomised controlled trial.
Stormlund S, Sopa N, Zedeler A, Bogstad J, Prætorius L, Nielsen HS, Kitlinski ML, Skouby SO, Mikkelsen AL, Spangmose AL, Jeppesen JV, Khatibi A, la Cour Freiesleben N, Ziebe S, Polyzos NP, Bergh C, Humaidan P, Andersen AN, Løssl K, Pinborg A.BMJ. 2020 Aug 5;370:m2519. doi: 10.1136/bmj.m2519

Frozen versus fresh single blastocyst transfer in ovulatory women: a multicentre, randomised controlled trial.
Wei D, Liu JY, Sun Y, Shi Y, Zhang B, Liu JQ, Tan J, Liang X, Cao Y, Wang Z, Qin Y, Zhao H, Zhou Y, Ren H, Hao G, Ling X, Zhao J, Zhang Y, Qi X, Zhang L, Deng X, Chen X, Zhu Y, Wang X, Tian LF, Lv Q, Ma X, Zhang H, Legro RS, Chen ZJ.Lancet. 2019 Mar 30;393(10178):1310-1318. doi: 10.1016/S0140-6736(18)32843-5. Epub 2019 Feb 28.PMID: 30827784

Do frozen embryo transfers modify the epigenetic control of imprinted genes and transposable elements in newborns compared with fresh embryo transfers and natural conceptions?
Barberet J, Romain G, Binquet C, Guilleman M, Bruno C, Ginod P, Chapusot C, Choux C, Fauque P.Fertil Steril. 2021 Dec;116(6):1468-1480. doi: 10.1016/j.fertnstert.2021.08.014. Epub 2021 Sep 16.PMID: 34538459

Assessment of Birth Defects and Cancer Risk in Children Conceived via In Vitro Fertilization in the US.
Luke B, Brown MB, Nichols HB, Schymura MJ, Browne ML, Fisher SC, Forestieri NE, Rao C, Yazdy MM, Gershman ST, Ethen MK, Canfield MA, Williams M, Wantman E, Oehninger S, Doody KJ, Eisenberg ML, Baker VL, Lupo PJ.JAMA Netw Open. 2020 Oct 1;3(10):e2022927. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2020.22927.PMID: 33119107

Association Between Fertility Treatment and Cancer Risk in Children.
Hargreave M, Jensen A, Hansen MK, Dehlendorff C, Winther JF, Schmiegelow K, Kjær SK.JAMA. 2019 Dec 10;322(22):2203-2210. doi: 10.1001/jama.2019.18037.PMID: 31821431