La pompe à GnRH est un traitement simple et efficace pour l’induction de l’ovulation chez les patientes en aménorrhée d’origine hypothalamo hypophysaire. Les troubles de l’ovulation représentent 30 % des causes d’infertilité d’origine féminine [1]

Une fois les patientes pouvant en bénéficier clairement identifiées, la mise en place du dispositif est simple et les taux cumulés de grossesse sont excellents : 70 à 98 % après 6 cycles de traitement.

Ce traitement, au plus proche de la physiologie pour restaurer des cycles ovulatoires reste pourtant sous utilisé, peut-être par méconnaissance ou appréhension de la part des prescripteurs, et/ou des patientes.
L’objet de cet article est de présenter de façon simple et pratique les indications, les modalités de prescription, d’administration, et de suivi ainsi que les résultats de ce type de stimulation.

1 - INDICATIONS

Le diagnostic de l’hypogonadisme hypogonadotrope et l’absence d’autres facteurs d’infertilité reste le point de départ de la prise charge.

La GnRH (ou LHRH) est secrétée par les neurones à GnRH hypothalamiques et reléguée dans le système porte hypothalamo hypophysaire pour stimuler la sécrétion de FSH et de LH par l’hypophyse.

La fréquence des pulses de GnRH conditionne la sécrétion préférentielle de FSH et/ou de LH et varie physiologiquement au cours du cycle menstruel.

a) Les causes d’anomalie de sécrétion de la GnRH sont :

Congénitales : diagnostiquées à l’occasion d’un impubérisme +/- complet (1/8000 et 1/50000 femmes) d’origine génétique :
- sd de Kallmann de Morsier cause génétique la plus fréquente (restant rare :
[2]

    • mutations de la GnRH ou de ses récepteurs
    • mutations des gènes codant pour une perte de fonction de GPR54/Kiss 1, leptine et/ou du récepteur de la leptine, syndrome de Prader-Willi ou le syndrome Laurence Moon.

Acquises : 

- tumorales : tumeurs du système nerveux central (craniopharyngiomes surtout, dysgerminome, astrocytome, gliome hypothalamique ou optique, tumeurs hypophysaires à prolactine surtout mais aussi à GH, ou ACTH. . .),
- traumatiques, infectieuses ou infiltratives (hystiocytose, granulome),
- causes iatrogènes (irradiation),
Attention, en cas d’atteinte hypophysaire associée, bien entendu la pompe à GnRH ne sera pas efficace.
- l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle par déficit de la balance énergétique cause de loin la plus fréquente.

Dans cette indication, l’interrogatoire s’attachera à identifier les points suivants : poids faible (calcul de l’IMC, peser la patiente), restriction alimentaire volontaire avec évictions notamment des produits gras (vinaigrette, fromages, crème fraiche), pratique sportive intensive.

b) Le bilan diagnostic

- de l’hypogonadisme hypogonadotrope :

  • dosages hormonaux typiques d’une dysovulation de type WHO I : FSH et LH basses (LH souvent plus effondrée que la FSH), estradiol bas, androgène bas, AMH normale ou augmentée
  • échographie pelvienne : CFA normal ou augmenté

En cas de cause génétique, il convient de proposer une consultation de génétique afin d’orienter les recherches des mutations en cause et d’informer sur le risque de transmission à la descendance.

En cas de balance énergétique négative, un bilan nutritionnel et endocrinien peut s’avérer nécessaire et un soutien psychologique ou psychiatrique doit être proposé. Ces mesures ont pour but d’optimiser le bon déroulement de la stimulation et bien sûr de la grossesse qui en découlera.

- de la fertilité du couple :

Avant toute induction de l’ovulation, un bilan de fertilité complet du couple est indispensable afin d’éliminer toute autre pathologie qui serait susceptible d’altérer les chances de grossesse.

Bilan féminin :

  • évaluation de la perméabilité tubaire (hysterosalpingographie ou Hyfosi)
  • echo pelvienne pour «évaluation utérine et bilan de la réserve ovarienne (CFA) 
  • dosages hormonaux pour évaluation de la RO et de l’hypo hypo (cf ci-dessus)

Bilan masculin : spermogramme, spermocytogramme, test de migration survie.

Ce bilan permettra de s’assurer que la seule cause d’infertilité est bien l’anovulation d’origine centrale, ce qui permet d’envisager le recours à la pompe à GnRH pour corriger cette anomalie.
Toute autre anomalie du bilan de fertilité amènera à envisager une prise en charge en AMP nécessitant dans ce cas l’usage des gonadotrophines exogènes si par exemple une hyperstimulation ovarienne contrôlée en vue d’une fécondation in vitro est indiquée.

2 – LE TRAITEMENT ET LA PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

La majorité des patientes étant en aménorrhée hypo-estrogénique (responsable d’une atrophie endométriale et parfois même d’une hypotrophie utérine), le traitement pourrait en théorie être débuté n’importe quand.

Cependant, pour obtenir de bonnes conditions pour la survenue d’une grossesse dès le 1er cycle, certaines équipes prescrivent une supplémentation oestrogébique ou oestroprogestative lors du mois précédant le 1er cycle de traitement, dans le but d’obtenir une trophicité  utérine et en particulier endométriale satisfaisante.

Cette attitude thérapeutique, bien que n’ayant jamais prouvé sa supériorité dans les publications nous semble plus satisfaisante que l’abstention pour repartir sur un endomètre optimal.

a) Le prétraitement

Soit un oestrogène naturel par voie orale ou transdermique associé sur les 10 derniers jours à de la progestérone naturelle . A l’arrêt, on pourra débuter la stimulation par pompe à GnRH à la survenue de l’hémorragie de privation. Un pré traitement de ce type semble intéressant chez les patients en aménorrhée primaire souffrant souvent d’une hypotrophie uterine associée.

Soit un traitement oestroprogestatif compte tenu de sa facilité d’usage. On se méfiera toutefois de l’atrophie endométriale de ce type de thérapeutique.

b) Pour le démarrage de la stimulation

Il convient de prescrire à la patiente le produit de stimulation : Lutrelef ® et d’avoir à disposition une télécommande et des pods fournis par le laboratoire Ferring qui commercialise le Lutrelef®. Ces pods permettent l’administration par voie sous cutanée du produit, grâce à un cathéter souple et à la télécommande qui indique la dose à délivrer et la fréquence des bolus.

La patiente doit changer de pods tous les 3 jours et conserver la télécommande délivrant les pulses a sa proximité. Celle ci étant de la taille d’un téléphone portable.

Le plus souvent le traitement est débuté à 10microgrammes toutes les 90 min. [3] 

Le monitorage de l’ovulation est réalisé comme classiquement par échographie pelvienne de monitorage pour évaluer le nombre et la taille des follicules et l’épaisseur et l’aspect de l’endomètre. Des dosages sanguins d’estradiol, LH et progestérone le même jour permettent de compléter les données de  l’échographie.

Le premier contrôle est à réalisé à J7 du démarrage,  il permet d’adapter la dose si nécessaire, par paliers de 5 microgrammes tous les 7 jours jusqu’à l’obtention d’un follicule de plus de 17 mm avec un taux d’estradiol satisfaisant et un endomètre en triple feuillet de plus de 7 mm d’épaisseur.

Ce monitorage permet également de s’assurer de l’absence de recrutement plurifolliculaire qui ferait prendre à la patient le risque d’une grossesse multiple.

Le déclenchement de l’ovulation par HCG n’est pas nécessaire a priori puisque le rétrocontrôle de l’augmentation de l’oestradiolémie doit induire un pic de LH spontané, néanmoins certaines équipes ajoutent ce déclenchement pour optimiser l’ovulation.

c) Soutien de la phase lutéale

Le soutien de la phase lutéale est nécessaire puisque le maintien du corps jaune est LH dépendant. Il peut être assuré de plusieurs façons :

  • le maintien de la pompe jusqu’à la survenue des règles puis un relais par progestérone exogène en cas de grossesse
  • le soutien par hCG dès le la progestérone est supérieure à 5 ng/mL ou par progestérone micronisée par voie vaginale jusqu’à  8-9 SA de grossesse.
  • Aucune attitude n’a fait la preuve de sa supériorité par rapport à une autre. Le maintien de la pompe bien que coûteux,  semble au plus proche de la physiologie. [4] 

3 – LES RÉSULTATS

En termes d’induction de l’ovulation l’étude de Sophie Christin Maitre et al publiée en 2007 [4]  et étudiant rétrospectivement 829 cycles d’induction de l’ovulation par pompe à GnRH retrouve des taux d’ovulation entre 70 et 95%, des taux de grossesses par cycle ovulatoire entre 18 et 45 % et enfin des taux de grossesses cumulés de 70 à 100 % après 6 cycles.

Le nombre moyen de cycles pour obtenir la grossesse est de 2.8.

De plus, chez toutes les patientes avec une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle, la supériorité de la pompe à GnRH versus l’induction de l’ovulation par gonadotrophines a bien été établie avec un taux de grossesse cumulé de 96 % versus 72 % après 6 cycles , qu’il s’agisse de gonadotrophines urinaires (HMG) ou bien de gonadotrophines recombinantes [5]. Même chez les patients avec SOPK associé, les taux de grossesse sont supérieurs avec la pompe à GnRH qu’avec les gonadotrophines seules. [6].

En 2013, une équipe a montré la supériorité des gonadotrophines recombinantes apportant 2 fois plus de FSH que de LH (Pergoveris®) par rapport aux HMG d’extraction urinaire pour l’induction de l’ovulation des patientes ayant un hypogonadisme hypogonadotrope, avec un taux de grossesse de 55,6 % versus 23,3 %.

 Il a également été prouvé que l’induction de l’ovulation par gonadotrophines était responsable d’un taux plus élevé de grossesses multiples

4 – LES COMPLICATIONS

Le risque de grossesse multiple est équivalent à celui des grossesses spontanées à condition que le monitorage de l’ovulation soit scrupuleux et qu’il n’existe pas de SOPK sous jacent qui serait démasqué par la réintroduction de la sécrétion endogène de FSH et de LH. Une dose minimale de départ et l’augmentation par paliers successifs de faible niveau sont recommandés.

Les hyperstimulations ovariennes sont exceptionnelles  puisque le recrutement est majoritairement monofolliculaire et les cycles monitorés .

Le risque de fausses couches spontanées pour les grossesses obtenues après administration pulsatile de GnRH avait été évalué en 1994 à 30 % [8] ce qui n’a pas été retrouvé  lors des études ultérieures, notamment par Christin-Maitre et al. qui ne retrouvent que 8,2 % de fausses couches spontanées . Ce chiffre semble plus près de la réalité et s’explique par la sélection des patientes. En effet, Filicori et al. avaient inclus dans leur étude des patientes SOPK après échec de citrate de clomiphène sans déficit gonadotrope, or ces patientes présentent un risque majoré de fausses couches [9,10].

Les patientes présentant une aménorrée hypothalamique fonctionnelle par déficit de la balance énergétique sont des patientes fragiles, à risque de carences et de décompensation psychologique lors de la grossesse. Il est souvent nécessaire de recommander  une alimentation plus riche en lipides et un poids minimum avant d’autoriser le traitement par pompe à GnRH, ce afin d’aider à la réussite de l’administration pulsatile de GnRH [11] et surtout d’assurer le bon déroulement de la grossesse.

Ces patientes sont également plus à risque d’accouchement prématuré et de faible poids de naissance [12] et doivent êre aidées par une prise en charge psychologique spécialisée.

 

CONCLUSION

Ce type de prise en charge pour une induction de l’ovulation est donc tout a fait intéressant bien qu’il puisse a priori sembler complexe d’utilisation les inductions de l’ovulation sont des traitements particulièrement bien tolérés par les patientes et très efficaces pour l’obtention d’une grossesse lorsque l’indication initiale est bien posée et le monitorage adéquat.  

Nous nous réjouissons de pouvoir avoir accès à ce type de thérapeutique en France avec un coût négligeable du traitement pour la patiente puisque la sécurité sociale prend en charge à 100 % le produit (Lutrelef®).

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[1]  Pasquier M, Hugues J-N, Cédrin-Durnerin I. Methods of ovulation induction. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2009;38(Spec No 1–2):F26–34.

[2] Bry-Gauillard H, Trabado S, Bouligand J, Sarfati J, Francou B, Salenave S, et al. Congenital hypogonadotropic hypogonadism in females: clinical spectrum, evaluation and genetics. Ann Endocrinol 2010;71(3):158–62.

[3] Letterie GS, Coddington CC, Collins RL, Merriam GR. Ovulation induction using s.c. pulsatile gonadotrophin-releasing hormone: effectiveness of different pulse frequencies. Hum Reprod 1996;11(1):19–22.

[4] Christin-Maitre S, de Crécy M, Groupe français des pompes à GnRH. Pregnancy outcomes following pulsatile GnRH treatment: results of a large multicenter retrospective study. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2007;36(1):8–12.

[5] Martin KA, Hall JE, Adams JM, Crowley Jr WF. Comparison of exogenous gonadotropins and pulsatile gonadotropin-releasing hormone for induction of ovulation in hypogonadotropic amenorrhea. J Clin Endocrinol Metab 1993;77(1):125–9.

[6] Dumont A, Dewailly D, Plouvier P, Catteau-Jonard S, Robin G. Comparison between pulsatile GnRH therapy and gonadotropins for ovulation induction in women with both functional hypothalamic amenorrhea and polycystic ovarian morphology. Gynecol Endocrinol. 2016 Dec;32(12):999-1004. doi: 10.1080/09513590.2016.1191462. Epub 2016 Jun 3. PMID: 27258574.Bottom of Form

[7] CaroneD,CaropresoC,VittiA,ChiappettaR.Efficacyofdifferentgonadotropin combinations to support ovulation induction in WHO type I anovulation infertility: clinical evidences of human recombinant FSH/human recombinant LH in a 2:1 ratio and highly purified human menopausal gonadotropin stimulation protocols. J Endocrinol Invest 2012;35(11):996–1002.

[8] Homburg R, Eshel A, Armar NA, Tucker M, Mason PW, Adams J, et al. One hundred pregnancies after treatment with pulsatile luteinising hormone releasing hormone to induce ovulation. BMJ 1989;298(6676):809–12.

[9] Chakraborty P, Goswami SK, Rajani S, Sharma S, Kabir SN, Chakravarty B, et al. Recurrent pregnancy loss in polycystic ovary syndrome: role of hyperhomo- cysteinemia and insulin resistance. PLoS ONE 2013;8(5):e64446.

[10] Bruyneel A, Catteau-Jonard S, Decanter C, Clouqueur E, Tomaszewski C, Subtil D, et al. Polycystic ovary syndrome: what are the obstetrical risks? Gynecol Obstet Fertil 2014;42(2):104–11.

[11] Braat DD, Schoemaker R, Schoemaker J. Life table analysis of fecundity in intravenously gonadotropin-releasing hormone-treated patients with normo- gonadotropic and hypogonadotropic amenorrhea. Fertil Steril 1991;55(2): 266–271.

[12] Koubaa S, Kouba S, Ha ̈llstro ̈m T, Lindholm C, Hirschberg AL. Pregnancy and neonatal outcomes in women with eating disorders. Obstet Gynecol 2005;105(2):2