INTRODUCTION

Les recommandations européennes de l’ESHRE et américaines de l’ASRM en mars 2020 ont préconisé de différer les grossesses entrainant la fermeture immédiate des centres d’AMP à travers le monde. Après un an de recul, les données cliniques dans le domaine de la médecine de la reproduction en ce qui concerne l'infection du SARS CoV2 et de la COVID19 paressent globalement rassurantes. Le congrès de l’ESHRE 2021 s'est déroulé comme l'an passé uniquement en sessions virtuelles dont voici un résumé des différentes communications orales dans les domaines de la fertilité, l’embryologie et l’intelligence artificielle. .

Aux USA, les fermetures des centres d’AMP ont été l’objet de vives critiques mettant en avant les conséquences nuisibles du retard de l’accès au soin pour les couples infertiles. Philippe Romanski et son équipe (O-001) ont publié, dans Human Reproduction, une étude rassurante à ce sujet. Ils ont démontré par une étude de cohorte rétrospective qu’un retard de traitement[CPC1]  de stimulation ovarienne jusqu'à 80 jours n'affecte pas les résultats des FIV chez les femmes ayant une réserve ovarienne diminuée et en âge avancée.

Au Royaume-Uni, le Pr. Allan Pacey (O-037) a présenté une synthèse des données actuelles sur l’impact de l’infection virale de la COVID 19 sur la fertilité masculine.19 études ont été  menées, mais malheureusement sans groupe contrôle. Seules 2 études ont retrouvé la présence du virus dans le sperme. Bien que le virus se fixe par l’intermédiaire des récepteurs ACE2 présents dans le testicule et dans les cellules de Leydig, son effet semble transitoire. Cependant, un suivi continu est nécessaire et recommandé d’autant que les aspects notamment fonctionnels sur le sperme restent encore à évaluer.

En Turquie, le Pr. Baris Ata (O-O31) a présenté une revue de la littérature sur les cas de transmission verticale du virus de la mère au nouveau-né. L’incidence est difficile à déterminer, seuls quelques cas sont rapportés dans la littérature. La transmission semble associée à des nécroses du syncytiotrophoblastes dont les mécanismes restent inconnus. Tandis qu'une charge élevée dans le placenta semble affecter le bien être du fœtus, le nombre de fausses couches tardives ne semblent pas augmenter ce qui est plutôt rassurant. Bien que la transmission verticale semble rare, des récentes publications dans le JAMA en 2021 par Vilar et son équipe, confirmées par Allotey, font état d’une augmentation de 2 à 5 fois de risque d’admission en soins intensifs comparativement aux femmes enceintes non infectées par le virus. Il est noté de 0,3 à 1,8% de mortalité maternelle, un risque d'accouchement prématuré et de pré éclampsie de 1,5 à 2 fois plus élevé, ainsi qu’un risque augmenté de morbidité néonatal et prénatal 2 fois plus élevé .

En Espagne, le Dr. Anna Cobo (0-O14) a présenté un état des lieux de la vitrification ovocytaire. Des études récentes montrent que l'âge maternel au moment de la ponction ovocytaire est le marqueur le plus significatif sur les taux de survie après réchauffement et sur les résultats en termes de naissance. A l’avenir, l’automatisation des processus de vitrification et réchauffement conduiront à une homogénéité des résultats entre les opérateurs et entre les laboratoires.

En Belgique, le Pr. Michel De Vos (0-062) a présenté les différentes options pour la préservation de la fertilité féminine. La stratégie fertilité va dépendre de l’âge de la patiente, de sa situation (célibataire ou en couple) et du délai d’urgence d’instauration d’une chimiothérapie. Si le délai est supérieur à 2 ou 3 semaines, on pourra lui proposer la vitrification de ses ovocytes et /ou si elle est en couple de ses embryons. Si le délai est inférieur à 2 ou 3 semaines (besoin d’une chimiothérapie urgente) et /ou dans les cas des patientes pré pubères d’autres alternatives voire une combinaison d’entre elles vont lui être proposées. La première est la cryopréservation du tissu ovarien et la 2ème est la maturation in vitro de ses ovocytes, une autre alternative plus expérimentale consiste à récupérer directement à partir du tissu ovarien excisé, des ovocytes immatures par aspiration puis de cryopréserver le tissu ovarien. Cette technique bien qu’innovante doit être considérée avec prudence en raison du manque de recul (pas de suivi à long terme) et de l’insuffisance des données de sécurité. Elle présente l’avantage de ne pas réintroduire des cellules potentiellement malignes.

En Belgique, le Pr. Adelheid Soubry(O-011) a souligné l’importance de l’environnement paternel sur la santé de l’enfant et son développement (Paternel origins of health and disease). Elle a rappelé l’importance du facteur de l’âge avancé bien connu chez la mère mais qui influence également les résultats en AMP. Ainsi, d’après une étude qu’elle a menée avec son équipe, publiée en novembre 2020 dans Human Reprod et confirmée par une autre étude sur 40 000 embryons, la probabilité d’obtenir en AMP un « Top » embryon à J2 ou à J3 diminue quand l’âge paternel augmente et ceci indépendamment de l’âge maternel. L’obésité paternelle va avoir des implications épigénétiques dans la fertilité masculine. En effet,  l’obésité chez le père va se traduire par des différences de profils de méthylation des gènes d’empreinte dans le sperme (Etude Tieger). « Vous êtes ce que votre père a mangé », d’où l’importance d’informer les hommes dans le cadre du projet paternel sur l’impact de leur mode de vie (tabac, alcool, stress, alimentation) sur la santé de l’enfant à venir.

Aux USA, le Pr. Nikica Zaninovic de l’université de Cornell a présenté un aperçu des applications potentielles de l'intelligence artificielle (IA) en assistance médicale à la procréation (AMP). Dans le domaine de l'embryologie, l’IA peut servir comme un outil aidant la sélection des ovocytes compétents, des spermatozoïdes avec une morphologie typique, et des embryons mais également pour prédire les taux d’aneuploïdie et les chances d'implantation. Dans le domaine clinique, l’IA pour évaluer la réserve ovarienne par l'utilisation des images d’ultrasons seules ou combinées avec les profils hormonaux. L’IA peut suggérer, en tenant compte des caractéristiques particulières des patientes, des protocoles des stimulations les plus adaptés et prédire les résultats en fonction de l’option choisie. Elle peut également être utilisée pour affiner l’appariement des donneurs/receveurs de gamètes. Les intérêts de l'utilisation de l’IA sont multiples : l’objectivité de l'analyse, la standardisation, la précision, et la capacité d'utilisation de grandes quantités de données. En effet,  initialement les données étaient essentiellement basées sur de l'analyse d'images et de vidéos, à présent elle prend en compte les paramètres cliniques des patientes mais aussi la protéomiques et la métabolomique. Cependant la qualité des données et leurs sécurités restent un point sensible à améliorer.

Une nouvelle approche par une méthode non invasive a été présentée par l’équipe australienne de Tan (0-083),  utilisant l'imagerie hyper-spectrale sur des cellules fibroblastiques humaines .Elle mesure l’auto fluorescence de molécules endogènes. Cette mesure serait différente si les cellules sont ou non aneuploïdes. Ces mesures seraient plus élevées chez les embryons aneuploïdes en raison d’une différence d’activité cellulaire (pseudo mitoses, fragments …)

Une équipe espagnole,  Dr. Bori (O-084) a examiné également une nouvelle « mesure » de bords cellulaires grâce à un algorithme de vision assisté par l’ordinateur.  Cette mesure serait le reflet de l’activité cellulaire .Cette mesure moyenne serait différente en fonction de la ploïdie de l’embryon avec une sensibilité et une spécificité de 73%. Dans cette même étude, l’analyse de 1314 vidéos d’embryons à partir du Timelapse montre une différence significative dans l'heure de début de la blastulation : 100,1 ± 6,8 h pour les embryons euploïdes et de 101,8 ± 8,2 h pour les embryons aneuploïdes (p < 0,001).

Une autre équipe espagnole, Dr. Garg (O-0121) a utilisé les réseaux de neurones artificiels pour combiner l’analyse d’images de morphologie de blastocystes et de profils protéomiques pour prédire l’état de la ploïdie.

Pour finir avec l’innovation, deux prototypes ont été présentés : le premier américain pour dénuder de façon semi-automatique les ovocytes par l’utilisation d’un dispositif micro fluidique à ultrasons (O-0124), le deuxième espagnol un robot pour réaliser les ICSI de façon semi automatisée (O-0122).

Pour conclure, un peu de philosophie : est-ce que l’IA rend les hommes plus intelligents ? l’intelligence peut-elle être artificielle ? Les ordinateurs prendront-ils le pas sur l’homme en AMP ?

Remerciements à Colleen Lynch,Cooper Surgical

 


 [CPC1]