Auteurs associés : Lise LECOINTRE, Emilie FALLER, Thomas BOISRAME, Cherif Youssef AKLADIO

Le risque accru de survenue de cancer cervical après un traitement d’une lésion de haut grade est bien connu. Pour y faire face la surveillance des patientes traitées pour une lésion précancéreuse du col de l’utérus doit permettre la détection des lésions résiduelles et /ou récurrentes avant qu’elles n’évoluent vers un cancer. Les enjeux du traitement des récidives sont à la fois liés aux données épidémiologiques, aux possibilités diagnostiques et aux conséquences thérapeutiques.

  1. Données épidémiologiques

Après conisation à l’anse diathermique (CAD) qui constitue la méthode de traitement la plus utilisée actuellement on note 0,4 à 12 % de lésions résiduelles après une exérèse estimée complète et 9 à 38 % en cas de marges non saines (1). Par rapport à la population générale le risque de récidive de cancer cervical après traitement d’une lésion de haut grade est entre 1,4 et 2,6 fois plus élevé en cas de lésions épidermoïdes initiales et jusqu’à 8 fois plus élevé après traitement conservateur d’un adénocarcinome in situ (2). Ce sur-risque de cancer après un traitement pour CIN3 est croissant avec l’âge des patientes lors de ce traitement initial (3).

Le délai de diagnostic de récidive est le plus souvent compris entre 10 et 15 mois bien que des délais beaucoup plus longs ont été rapportés témoignant du risque à long terme (plus de 25 ans) de développer un cancer cervical (4,5)

Les nouvelles recommandations validées sous l’égide de l’INCa tiennent compte des progrès technologiques concernant les possibilités de la surveillance post-thérapeutique, mais on constate que les indications du traitement restent adaptées à la sévérité de la lésion avec des modalités identiques à celles du traitement des lésions inaugurales (1).

  1. Difficultés diagnostiques

Selon les nouvelles recommandations la colposcopie est indiquée pour le diagnostic des lésions résiduelles ou récidivantes en cas de test HPV positif. Des biopsies dirigées et/ou un curetage endocervical sont à faire selon l'aspect colposcopique et la situation de la jonction squamo-cylindrique, et le traitement des lésions résiduelles confirmées par l'histologie devrait dépendre de leur sévérité et de leur situation sur le col.

Les modifications cervicales post thérapeutiques peuvent constituer de vraies difficultés pour le colposcopiste en cas non visualisation de la zone de jonction squamo-cylindrique, de localisation endocervicale des lésions résiduelles ou récidivantes et surtout en cas de sténoses cervicales. Ces modifications expliquent la sensibilité insuffisante de la colposcopie et justifie l’association à d’autres examens de surveillance.  Après une CAD la fréquence des colposcopies non satisfaisantes varie de 6 à 46 % et la fréquence des sténoses entre 1,3 et  5,2 %  en augmentant principalement avec la  profondeur de l’exérèse et l’âge des patientes (6,7). Devant ces difficultés le curetage endocervical (CEC) constitue une aide souvent précieuse. Cette procédure augmente globalement la sensibilité de la colposcopie en permettant de découvrir 2 à 6% de lésions CIN2+ qui n’aurait pas été découvertes par la seule biopsie dirigée (8,9).

Dans une étude personnelle le CEC a permis d’aboutir au diagnostic des lésions tant au cours de la surveillance post thérapeutique immédiate que dans la surveillance à long terme avec une concordance diagnostique parfaite dans respectivement 78,6% et 81,4%. Au total pour le diagnostic des 36 lésions endocervicales persistantes ou récidivantes confirmées chez les 85 patientes préalablement traitées, nous n’avons constaté qu’un seul résultat faux négatif (2,8 %) et une sous-estimation du diagnostic au CEC chez 5 patientes (13,9 %) (10).

  1. Conséquences thérapeutiques

Si le CEC permet de surmonter la majorité des difficultés diagnostiques post-thérapeutiques et d’aboutir à un diagnostic histologique fiable, ces même modifications anatomiques (orifice cervical rétréci, jonction non visible, lésion au moins partiellement endocervicales et colposcopie non satisfaisante) exigent généralement un traitement par exérèse. Il convient par conséquent de discuter les répercussions principalement obstétricales d’une deuxième conisation. Ces risques ont été évalués mais les conclusions sont difficiles à porter compte-tenu de la faiblesse des effectifs dans les différentes études. Pour ORTOFFT et al. (11), le risque de prématurité sévère (inférieure ou égale à 28 semaines, responsable de la majorité des décès périnataux) est plus de trois fois plus élevée après deux conisations à l’anse diathermique par rapport à une seule exérèse. Pour NOEHR et al. (12), la deuxième conisation entraine un risque de prématurité de 11,4 % majoré par un facteur 3,8 (2,6 – 5,5) par rapport à la population danoise non conisée et par un facteur 1,9 (1,3 – 2,8) par rapport au groupe avec une seule conisation à l’anse diathermique. Pour JAKOBSSON et coll. (13) la deuxième conisation entraine un risque de prématuré de 23,7 % avec une majoration par rapport au groupe qui n’a qu’une seule conisation de moins de 1 cm de hauteur : RR= 2,97 (1,4 – 4,5).

Conclusion

Les modalités du traitement des récidives sont identiques à celles du traitement des lésions inaugurales. Les modifications anatomiques post-thérapeutiques constituent des difficultés que le CEC permet souvent de surmonter, mais en parallèle elles requièrent fréquemment le recours à un traitement par exérèse. Les conséquences obstétricales d’une deuxième CAD incitent à limiter ce traitement qu’aux seules lésions précancéreuses.

Références bibliographiques

  1. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Synthese-Surveillance-post- therapeutique-des-lesions-precancereuses-du-col-de-l-uterus
  2. Sand FL, Frederiksen K, Munk C, Jensen SM, Kjaer SK. Long-term risk of cervical cancer following conization of cervical intraepithelial neoplasia grade 3-A Danish nationwide cohort study. Int J Cancer. 2018;142:1759-1766.
  3. Strander B, Hallgren J, Sparen P. Effect of ageing on cervical or vaginal cancer in Swedish women previously treated for cervical intraepithelial neoplasia grade 3: population based cohort study of long term incidence and mortality. BMJ. 2014;348:f7361.
  4. Ang C, Mukhopadhyay A, Burnley C, Faulkner K, Cross P, Martin-Hirsch P, et al. Histological recurrence and depth of loop treatment of the cervix in women of reproductive age: incomplete excision versus adverse pregnancy outcome. BJOG. 2011;118:685-92.
  5. Lili E, Chatzistamatiou K, Kalpaktsidou-Vakiani A, Moysiadis T, Agorastos T. Low recurrence rate of highgrade cervical intraepithelial neoplasia after successful excision and routine colposcopy during follow-up. Medicine (Baltimore). 2018;97:e9719.
  6. Martirosian TE, Smith SC, Baras AS, Darracott MM. Depot medroxyprogesterone acetate: a risk factor for cervical stenosis after loop electrosurgical excisional procedure management of cervical intraepithelial neoplasia? J Low Genit Tract Dis l2009;14: 37-42.
  7. Monteiro AC, Russomano FB, Camargo MJ, Silva KS, Veiga FR, Oliveira RG. Cervical stenosis following electrosurgical conization. Sao Paulo Med J l2008;126: 209-14.
  8. Pretorius RG, Zhang WH, Belinson JL, Huang MN, Wu LY, Zhang X, Qiao YL. Colposcopically directed biopsy, random cervical biopsy, and endocervical curettage in the diagnosis of cervical intraepithelial neoplasia II or worse. Am J Obstet Gynecol l2004;191: 430-4.
  9. Pretorius RG, Belinson JL, Azizi F, Peterson PC, Belinson S. Utility of random cervical biopsy and endocervical curettage in a low-risk population. J Low Genit Tract Dis l2012;16: 333-8.
  10. Lecointre L, Akladios CY, Averous G, Lefebvre F, Baulon E, Thoma V, Fender M, Baldauf JJ. Reliability of endocervical curettage after conservative treatment of intraepithelial neoplasia of the cervix. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2015;44:145-53.
  11. Ortoft G, Henriksen T, Hansen E, Petersen L. After conisation of the cervix, the perinatal mortality as a result of preterm delivery increases in subsequent pregnancy. BJOG l2010;117: 258-67.
  12. Jakobsson M, Gissler M, Paavonen J, Tapper AM. Loop electrosurgical excision procedure and the risk for preterm birth. Obstet Gynecol l2009;114: 504-10.
  13. Noehr B, Jensen A, Frederiksen K, Tabor A, Kjaer SK. Depth of cervical cone removed by loop electrosurgical excision procedure and subsequent risk of spontaneous preterm delivery. Obstet Gynecol l2009;114: 1232-8.