Lecture critique de l'article : Xiaoli Hu, Qingfeng Zhou, Jian Yu, Jing Wang, Quanmei Tu, Xueqiong Zhu. Prevalence of HPV infections in surgical smoke exposed gynecologists; International Archives of Occupational and Environmental Health. 2020 Sep 1.

Les auteurs présentent les résultats d’une étude prospective multicentrique menée en Chine visant à évaluer la prévalence du portage de l’HPV au niveau des cellules épithéliales nasales chez des gynécologues, selon leur habitude de réaliser ou non des procédures telles que des vaporisations au laser ou des électroconisations à l’anse diathermique (ECAD), et selon le respect ou non de certaines mesures de protections telles que le port d’un masque chirurgical pendant ces procédures [1].

Un questionnaire dédié ainsi que des prélèvements nasaux ont été proposés à 700 gynécologues dans 67 hôpitaux, entre janvier 2016 et décembre 2016. A noter que tous les prélèvements au niveau des cellules épithéliales nasales des gynécologues ont été effectués par le même opérateur. Le test utilisé permettait de détecter l’ADN de 17 HPVs à haut risque (16, 18, 26, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 53, 56, 58, 59, 66, 68 et 82) et 10 HPVs à bas risque (6, 11, 40, 42, 43, 44, 55, 61, 81 et 83).

L’âge moyen des 700 gynécologues était de 35,1 ans (+/-8,8) et, parmi eux, 585 (83,57%) étaient des femmes. La majorité des gynécologues pratiquaient des gestes à type d’électrochirurgie sur le col de l’utérus (n=469, 67%). Parmi ceux-ci, 356 effectuaient des ECAD, et 113 uniquement d’autres gestes à type de vaporisation au laser ou d’électrocoagulation. Aucun des gynécologues n’avaient été vaccinés contre l’HPV.

Parmi tous les gynécologues, la prévalence du portage nasal de l’HPV était de 6,57% (n=46). Les taux de portage nasal de l’HPV étaient significativement plus importants dans les groupes de gynécologues ayant une activité d’électrochirurgie (8,96%,42/469) ou d’ECAD (10,11%, 36/356) que dans les groupes n’ayant pas d’activité d’électrochirurgie (1,73%, 4/231) ou d’ECAD (2,91%, 10/344), respectivement. L’HPV16 était le génotype le plus fréquemment retrouvé (76,19%, 32/42). Le taux de portage d’HPV était significativement plus élevé chez les gynécologues pratiquant des ECAD depuis plus de 10 ans par rapport à ceux ayant une activité plus récente (p=0,016). Aussi, le taux de portage d’HPV était plus important dans le groupe utilisant un masque (7,64%, 33/432) que dans le groupe qui n’en utilisait pas (24,32%, 9/37). De plus, l’utilisation d’un masque N95 (équivalent du FFP2 européen) réduisait significativement le risque d’infection à HPV (0%, 0/196) par rapport à l’utilisation d’un masque chirurgical classique (13,98%, 33/236, p<0,001). Tous les gynécologues avec un test HPV positif ont été suivis : 43,48% ont eu un test HPV se négativant à 3 mois, et 100% à 2 ans.

 

Commentaires

La présence d’HPV dans les fumées issues de procédures chirurgicales gynécologiques a déjà été évoquée il y a 30 ans [2]. Plus récemment, certains auteurs ont fait le lien entre le geste chirurgical et l’infection HPV du gynécologue en montrant que le génotype de l’HPV était identique sur les prélèvements faits sur la patiente, au niveau de la fumée émise et au niveau des cellules épithéliales nasales du gynécologue [3].

Liu et al., dans une revue publiée en 2019 dans Journal of Cancer ont rappelé que la fumée chirurgicale contenait des bactéries et des virus, mais également des produits chimiques pouvant avoir un effet de carcinogenèse et de mutagenèse chez les gynécologues [4].

Si les recommandations de l’INCa de 2016 [5] statuent qu’une lésion cervicale de haut grade histologique avec colposcopie satisfaisante doit être traitée par une résection de type anse diathermique sous guidage colposcopique, il convient de respecter lors de chaque procédure des mesures de protections telles que le port systématique d’un masque et l’utilisation d’un système d’évacuation des fumées.

Ces règles de bonne pratique sont d’autant plus d’actualité, qu’elles permettent également de se protéger d’une contamination au COVID-19. L’utilisation d’énergie thermique au bloc opératoire a en effet été rendue comme en partie responsable des dissémination de COVID-19 dans les salles d’interventions chirurgicales via les fumées dégagées [6]

 

 [1] Hu X, Zhou Q, Yu J, Wang J, Tu Q, Zhu X. Prevalence of HPV infections in surgical smoke exposed gynecologists. Int Arch Occup Environ Health. 2020 Sep 1. doi: 10.1007/s00420-020-01568-9. Epub ahead of print. PMID: 32870342.

 [2] Ferenczy A, Bergeron C, Richart RM (1990) Human papillomavirus DNA in CO2 laser-generated plume of smoke and its conse- quences to the surgeon. Obstet Gynecol 75(1):114–118

[3] Zhou Q, Hu X, Zhou J, Zhao M, Zhu X, Zhu X. Human papillomavirus DNA in surgical smoke during cervical loop electrosurgical excision procedures and its impact on the surgeon. Cancer Manag Res. 2019 Apr 29;11:3643-3654. doi: 10.2147/CMAR.S201975. PMID: 31118787; PMCID: PMC6499148.

[4] Liu Y, Song Y, Hu X, Yan L, Zhu X. Awareness of surgical smoke hazards and enhancement of surgical smoke prevention among the gynecologists. J Cancer. 2019 Jun 2;10(12):2788-2799. doi: 10.7150/jca.31464. PMID: 31258787; PMCID: PMC6584931.

[5] Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cer- vico-utérine anormale, Thesaurus, Collection recommandations et référentiels, INCa, décembre 2016.

[6] Obara S. Anesthesiologist behavior and anesthesia machine use in the operating room during the COVID-19 pandemic: awareness and changes to cope with the risk of infection transmission. J Anesth. 2020 Aug 27:1–5. doi: 10.1007/s00540-020-02846-z. Epub ahead of print. PMID: 32856167; PMCID: PMC7453066.