La densité mammaire a une définition mammographique mesurée par la quantité de tissu fibro-glandulaire par rapport à la graisse. Plus le tissu fibro-glandulaire est important, plus le sein est dense. La classification BI-Rads définit les seins denses de niveau C (50 à 75 % de tissu fibro-glandulaire qui concerne 25 % des femmes) et la densité de niveau D (plus de 75 % de tissu fibro-glandulaire, qui concerne 10 % des femmes).  Si la densité mammaire liée aux traitements hormonaux est réversible, la densité mammaire constitutionnelle est acquise avec une diminution fréquente et progressive après la ménopause.

La densité mammaire élevée (BIRADS C et D) est un facteur de risque indépendant de cancer du sein associé à une diminution de la spécificité et sensibilité du dépistage par mammographie. Ce risque serait 4 à 5 fois plus élevé chez les femmes avec des seins denses que chez celles qui ont des seins adipeux [1] [2]. De plus, la densité mammaire a un effet masquant limitant la détection des lésions mammaires. En 2005, l’étude Nord-américaine DMIST [3] a démontré l’intérêt de la mammographie numérique versus la mammographie analogique pour les seins denses.

L’échographie mammaire est un complément idéal pour l’exploration des seins denses mais avec des risques de faux positifs et de gestes invasifs de biopsie inutiles.

La tomosynthèse (Mammographie 3D) est un outil complémentaire également très utile pour l’exploration des seins denses avec un rattrapage de 27 à 30% de cancers invasifs non détectés sur la mammographie numérique. [4] [5] [6] [7]. La mammographie 3D, associée à la mammographie 2D, favorise la détection des tumeurs de plus petite taille et améliore la précocité diagnostique de 18 mois par rapport à la mammographie 2D seule, mais ces résultats ne sont pas confirmés en cas de densité mammaire très élevée (sein totalement opaque). [8]

Malgré tous les progrès de l’imagerie mammaire, la densité mammaire élevée reste un sujet d’actualité. Si l’impact de la densité mammaire comme facteur de risque indépendant sur la survie globale des patientes est controversé, son effet masquant est constaté au quotidien avec l’appréhension permanente du cancer raté (présents sur la mammographie de dépistage mais non visualisés en raison de la « densité masquante »), ou du cancer de l’intervalle. La densité mammaire élevée est associée à un plus grand risque de cancers de l’intervalle sans que l’on puisse déterminer si ces cancers sont de plus mauvais pronostic. [9] [10]

Quel est l’intérêt de l’IRM comme examen complémentaire de dépistage chez la patiente avec des seins très denses ? Cette question a fait l’objet d’une publication néerlandaise récente qui a été présentée au cours de la session « Best Clinical Trials - RSNA 2019 » et publiée dans le NEJM en Novembre 2019 [11]

L’étude multicentrique, contrôlée, randomisée, réalisée entre décembre 2011 et novembre 2015, a évalué l’incidence des cancers de l’intervalle à 2 ans au cours d’un dépistage de 40 173 femmes asymptomatiques selon deux groupes : dépistage par mammographie seule (n = 33 213) versus IRM complémentaire après mammographie normale (n = 8 061). Les patientes ont entre 50 et 75 ans avec une densité mammaire très élevée (BIRADS D) et une mammographie normale. (BIRADS 1 et 2)

Les résultats ont montré que dans le groupe mammographie-IRM, il y avait moins de cancer de l’intervalle que dans le groupe mammographies seules : 2,5 pour 1 000 vs 5 pour 1 000. (95% confidence intervalle [CI], 1.0 to 3.7 ; P<0.001). Un taux de détection des cancers sur l’IRM de dépistage de 16,5 pour 1 000 examens (79 cancers/ 4 793 mammo + IRM) avec un taux de faux positif de 8 % (79,8 pour 1 000 examens). La VPP pour le taux de rappel pour examen complémentaire par imagerie est de 17.4% et de 26.3% pour une biopsie.  

L’IRM mammaire associée à la mammographie en cas de seins très denses (BIRADS D) a permis de doubler le taux de cancers détectés mais avec des faux positifs et des effets négatifs ;

  • Une augmentation du nombre d’examens complémentaires inutiles chez des patientes asymptomatiques et l’augmentation du nombre de biopsies et gestes potentiellement invasifs 
  • Des angoisses importantes générées chez des patientes saines avec un taux de faux positifs et d’un taux de rappel élevé.
  • Des difficultés d’adhésion à l’IRM. Dans cette publication, il est rappelé que dans le groupe mammographie avec IRM, 40% (n=3278) n’ont pas eu leur IRM, les patientes ne voulant pas de cet examen pour un dépistage.

A cela s’ajoute les incertitudes sur l’efficacité et l’impact réel sur l’amélioration de la survie globale pour la plupart de ces cancers diagnostiqués à des stades précoces avec meilleur pronostic. Enfin comme autre argument défavorable à l’utilisation systématique de l’IRM, il faut rappeler, l’exception Française qui utilise l’échographie mammaire particulièrement efficace en cas de seins denses et la deuxième lecture en cas de dépistage organisé.

L’IRM mammaire de dépistage seule ou en complément de la mammographie est une stratégie discutée depuis plusieurs années [12,13,14]. Elle est aujourd’hui réservée à des situations particulières en dépistage (haut risque familial, ATCD d’irradiation thoracique avant 30 ans), bilan diagnostic complémentaire d’un cancer découvert avec seins denses, femmes jeunes, type histologique difficile à détecter (CL invasif) ou toute situation pour laquelle la balance bénéfice / risque de faux positifs est en faveur de l’IRM complémentaire associée à la mammographie. Le dépistage d’une femme asymptomatique avec des seins denses sans autre facteur de risque ne répond pas à cet objectif.  Dans tous les autres situations, une discussion au cas par cas doit être envisagée quant à l’intérêt d’une IRM complémentaire, en particulier en cas de facteurs de risques associés.

En conclusion, les résultats de cette étude confirment l’intérêt de l’IRM mammaire complément de la mammographie en cas de seins très denses. Cependant, la question essentielle est la quantification de la densité mammaire qui est parfois subjective. Il existe en pratique un risque réel de surestimer la densité mammaire, avec comme conséquence la réalisation d’IRM inutiles avec les effets collatéraux connus ! Heureusement la majorité des patientes (65%) ont des seins de faible densité (A, B) et si on ajoute le groupe de densité C (qui était exclus dans cette étude) cela représente 90% de la population, soit seulement 10% de seins de densité D pour lesquels l’intérêt de l’IRM mammaire complément de la mammographie est discuté dans cet publication.

 

Bibliographie

  1. Norman F. Boyd, Helen Guo et al. Mammographic Density and the Risk and Detection of Breast Cancer. N Engl J Med 2007; 356:227-236
  2. McCormack VA, dos Santos Silva I. Breast density and parenchymal patterns as markers of breast cancer risk: a meta-analysis. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2006 Jun;15(6):1159-69.
  3. Pisano ED, Gatsonis C, Hendrick E, Yaffe M, Baum JK, Acharyya S, et al. Diagnostic performance of digital versus film mammography for breast-cancer screening. N Engl J Med 2005; 353(17):1773-83
  4.   Skaane P, Gullien R, Bjørndal H, Eben EB, Ekseth U, Haakenaasen U, Jahr G, Jebsen IN, Krager M. Digital breast tomosynthesis (DBT): initial experience in a clinical setting. Acta Radiol. 2012 Jun 1;53(5):524-9. doi:10.1258/ar.2012.120062. Epub 2012 May 16. PubMed PMID: 22593120.
  5. Skaane P, Bandos AI, Gullien R, Eben EB, Ekseth U, Haakenaasen U, et al. Comparison of digital mammography alone and digital mammography plus tomosynthesis in a population-based screening program. Radiology. 2013 Apr;267(1):47-56
  6. Ciatto S, Houssami N, Bernardi D, Caumo F, Pellegrini M, Brunelli S, et al. Integration of 3D digital mammography with tomosynthesis for population breast-cancer screening (STORM): a prospective comparison study. Lancet Oncol. 2013 Jun;14(7):583-9.
  7. Haas BM, Kalra V, Geisel J, Raghu M, Durand M, Philpotts LE. Comparison of tomosynthesis plus digital mammography and digital mammography alone for breast cancer screening. Radiology. 2013 Dec;269(3):694-700.
  8. Elizabeth A. Rafferty, Melissa A. Durand, Emily F. Conant, et al. Breast Cancer Screening7Using Tomosynthesis and Digital Mammography in Dense and Nondense Breasts. JAMA 2016;315(16):1784-1786. doi:10.1001/jama.2016.1708 
  9. Anne Marie McCarthy, William E. Barlow, Emily F. Conant, et al. Breast Cancer With a Poor Prognosis Diagnosed After Screening Mammography With Negative Results. JAMA Oncol. 2018;4(7):998-100.
  10. Mandelson, M.T., et al. Breast density as a predictor of mammographic detection: Comparison of interval- and screen-detected cancers. Journal of the National Cancer InstituteVolume 92, Issue 13, 5 July 2000, Pages 1081-1087
  11. DENSE Trial Study Group. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. N Engl J Med. 2019.
  12. Holger J. Schünemann, Donata Lerda, Cecily Quinn. Breast Cancer Screening and Diagnosis: A Synopsis of the European Breast Guidelines. Ann Intern Med. 2019.
  13. Joy Melnikow, Joshua J. Fenton, Evelyn P. Whitlock et al. Supplemental Screening for Breast Cancer in Women with Dense Breasts: A Systematic Review for the U.S. Preventive Services Task Force. Ann Intern Med. 2016 Feb 16; 164(4): 268–278.
  14.  Christiane K. Kuhl, Kevin Strobel, Heribert Bieling, Claudia Leutner, Hans H. Schild, Simone Schrading, Supplemental Breast Mrimaging screening of Women with average risk of Breast cancer. Radiology: Volume 283: Number 2—May 2017.