L’information claire, précise et fidèle à la réalité aux futurs parents reste un enjeu crucial du dépistage prenatal (1). Le dépistage prénatal des anomalies chromosomiques a considérablement évolué au cours des deux dernières décennies. Le dépistage combiné du premier trimestre de la trisomie 21, basé sur l'âge de la mère, la mesure de la clarté nucale fœtale et les dosages des marqueurs sériques maternels (B-hCG et PAPP-A), a été adopté dans la plupart des pays, donnant un taux de détection de 90% avec un taux de faux positif de 5% (2). Depuis décembre 2018, l’ADNlc est inclue dans l’arrêté du 23 juin 2009 pour le dépistage de la trisomie 21 (13). Ainsi, les recommandations nationales ont été modifiées en fonction du calcul du risque combiné : entre 1/1 et 1/50 proposition d’un prélèvement invasif avec possibilité d’un test ADNlc, entre 1/51 et 1/1000 proposition exclusive d’un test ADNlc et pour un risque inférieur à 1/1000 surveillance habituelle par échographie du 2e et 3e trimestre. Ces nouvelles directives proposent donc aux patientes avec un risque entre 1/51 et 1/250 un test ADNlc limité au dépistage de la trisomie 21 alors qu’avant 2017, celles qui le souhaitaient pouvaient bénéficier d’un test diagnostic par prélèvement invasif. La sécurité a a été l'argument le plus largement utilisé en faveur de la mise en œuvre du test ADNlc chez des patients à haut risque sans preuve de sa supériorité sur l'utilisation immédiate du test invasif (14). L’objectif de cette étude est de connaître la prévalence des anomalies chromosomiques non dépistées par le test ADNlc dans l’intervalle 1/51-1/250 du calcul du risque de la trisomie 21.

Méthodes
Cette étude est une analyse rétrospective basée sur la population de toutes les grossesses simples entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016 dont la mesure de la clarté nucale (CN) dans le cadre du dépistage combiné de la trisomie 21 a été réalisée par un échographiste évalué par le Collège Français d’Echographie Fœtale. Une recherche dans cette base de données a été effectuée afin d’identifier toutes les patientes dont le risque du dépistage combiné était compris entre 1/51 et 1/250. Ainsi sur une base de 372162 patientes ayant eu en 2016 un calcul de risque de la trisomie 21 avec mesure de la CN par un échographiste évalué par le CFEF, 9912 (2,7%) avaient un risque compris entre 1/51 et 1/250. Au total 2650 patientes ayant eu un prélèvement invasif avec caryotype, ont été analysées. Les anomalies détectables par l’ADNlc étaient toutes des anomalies numériques des chromosomes 21, 18, et 13. Les anomalies non détectables par l’ADNlc retenues, nécessitent TOUTES un conseil génétique et une information à la patiente. Ces anomalies du caryotype ou de l’ACPA ont été interprétées avec la collaboration du Dr Matthieu Egloff, cytogénéticien, assistant hospitalier universitaire au CHU de Poitiers. Nous avons choisi de les classer en 3 catégories : (1) anomalies chromosomiques pathogènes, (2) dysgonosomies et (3) anomalies chromosomiques non pathogènes (comme les translocations équilibrées, qui vont engendrer un prélèvement ovulaire pour toutes les autres grossesses du couple pour savoir si le caryotype du fœtus est équilibré ou pas).

Résultats

2497 (94 %) caryotypes ont été analysés normaux et 153 caryotypes (6 %) anormaux. Les 153 caryotypes anormaux se répartissent de la manière suivante :
- 103 (67 %) trisomie 21 avec une valeur prédictive positive (VPP) de 3,9 %.
- 14 (9 %) trisomie 18
- 6 (4 %) trisomie 13
- 30 (20 %) autres anomalies chromosomiques non dépistables par l’ADNlc et toutes nécessitant un conseil génétique.

Ces 30 anomalies chromosomiques, non dépistables par l’ADNlc, se répartissent de manière suivante :
- 10 hautement pathogènes,
- 11 dysgonosomies,
- 9 non pathogènes, translocations équilibrées.

Les 10 anomalies pathogènes se situent principalement entre 1/51 et 1/150. Ces résultats sont indépendamment obtenus par caryotype conventionnel ou pas ACPA, suivant les centres. Sur ces 10 anomalies pathogènes, le diagnostic a été fait par ACPA dans 7 cas. Dans ce groupe, les issues de grossesse sont hétérogènes :
- 2 pertes fœtales à 14 SA et 20 SA pour les triploïdies.
- 6 patientes sur 10 ont eu recours à une IMG : 3 avant 22 SA car l’ACPA avait été faite et 3 après 22 SA sur signes d’appels échographiques.
- 1 patiente a souhaité poursuivre sa grossesse.
- 1 diagnostic à été fait en post natal sur signes d’appel clinique.

Les dysgonosomies et les anomalies chromosomiques non pathogènes nécessitent une consultation de génétique avec une information à la patiente et souvent une recherche génétique parentale.

En conclusion notre étude met en évidence qu’entre un risque compris entre 1/51 et 1/250,  20% des anomalies chromosomiques nécessitant un conseil génétique ne sont pas dépistées actuellement par le test ADNlc. La proposition exclusive d’un test ADNlc dans ce groupe à risque ne permet pas de donner à la patiente une information claire, précise et fidèle à la réalité.