Dans les centres d’AMP, les embryologistes et les cliniciens se posent au quotidien la question de la meilleure technique de fécondation à adopter pour les couples dont l’indication de l’infertilité n’est pas d’origine masculine.

Deux études récentes présentées et publiées au cours du congrès annuel de l’ESHRE en 2019 traitent de cette question.

La première étude(1) de cohorte rétrospective sur 479 cycles de FIV (fécondation in vitro) et 477 cycles d’ICSI entre 2008 et 2016 a été menée. L’objectif est de comparer les résultats des taux de naissances cumulés obtenus par les deux techniques dans des indications d’infertilités non masculines. Les résultats ont été ajustés en fonction de l’âge, du nombre d’ovocytes recueillis, et du nombre d’embryons transférés. Une sous analyse a permis en plus d'étudier les résultats de deux sous-groupes : les patientes âgées de plus de 40 ans ainsi que les mauvaises répondeuses (moins de 4 ovocytes recueillis à la ponction).

Le taux de naissance par transfert était significativement plus important dans le groupe FIV versus ICSI (24,7 vs 18,9%, p=0,0038) aussi bien dans l’analyse univariée que multivariée, Il n’a pas été retrouvé de différence significative entre les 2 techniques concernant les taux de grossesses biochimiques, cliniques, ou les taux de fausses couches. Comme attendu, concernant les taux d’annulation pour absence totale de transfert, ils étaient plus faibles en ICSI qu’en FIV (6,7%vs 9,8%, p=0,12) ainsi que les taux d’échecs totale de fécondation (4,2% vs 7,1%, p=0,06).

Le taux cumulé de naissances était significativement plus important en FIV qu’en ICSI en analyse univarié (36,2% vs 23,4% p<0,001) et en multivarié (OR : 2,92). Cette différence est significative pour les taux de naissances cumulées en faveur de la FIV dans le sous-groupe des mauvaises répondeuses (23% vs 13,8%, p=0,02) mais n’est pas retrouvée de façon significative chez les femmes âgées de plus de 40 ans (17,8% vs 12,5% p=0,201).

Une deuxième étude(2) de très grande ampleur a été menée par le centre de FIV de Bristol en Angleterre sur la première tentative du cycle. L’analyse rétrospective a porté sur 353 881 cycles entre 2000 et 2016.

Le taux global de naissance était de 30% pour l’ICSI et 29% pour la FIV. Après ajustement des variables, l’analyse montre un taux de fécondation supérieur en ICSI qu’en FIV (68% vs 64%, p<0,001). Cependant, la probabilité d’implantation (27 vs 28, p<0,001) et le taux de grossesses cliniques (49% vs 50% avec p<0,001) étaient plus faibles en ICSI comparés en FIV . Cette tendance a été retrouvée pour les taux de naissances après ajustement des variables (RR : 0,98 p<0,001). Dans le sous-groupe des infertilités non masculines, les taux de naissances sont inférieurs en ICSI qu’en FIV (RR : 0,96,p<0,001). Ces données ont été retrouvées quel que soit l’âge.

La troisième étude(3) a été présentée aux journées du COGI (controverses en obstétriques gynécologies et infertilités) en novembre 2019 par une équipe australienne. Ils ont a comparé les résultats en termes de taux de naissances cumulé entre l’ICSI et la FIV sur la première tentative d’AMP. En effet, l’usage de l’ICSI en Australie a considérablement été augmenté passant de 57,8% en 2005 à 69,4% en 2016. Cette technique est pratiquée dans des indications d’infertilités non masculines la question se pose alors de son intérêt.

L’étude de cohorte a été menée de façon rétrospective de 2009 à 2015 et a suivi les résultats de 16 716 femmes qui ont entrepris leur 1 ère tentative de FIV ou d’ICSI dans le centre de Victoria en Australie.

Sur cette période la proportion de femmes qui ont bénéficié d’une ICSI quelle que soit l’indication de l’infertilité a augmenté significativement de 52,6% en 2009 à 68,0% en 2015. Le taux de fécondation par ovocyte était significativement plus important par FIV comparé à l’ICSI (58,9 % vs 55,6 %,p<0,001).Les taux de naissances cumulés quelle que soit l’indication était de 37,2 % en FIV et 35,7% en ICSI mais n’étaient pas significativement diffèrent après ajustement des variables. Pour les couples dont l’infertilité étaient d’origine non masculines, les taux de naissances cumulées par ICSI étaient comparables à ceux obtenus après FIV ( IC : 95% ).

CONCLUSION

Les résultats de ces trois études peuvent servir à une application en routine, comme une aide dans le choix de la technique de fécondation à adopter. Ces données suggèrent que l’ICSI n’offre pas d’avantage supérieur à la FIV en termes de taux de naissances cumulées La première et la 3eme étude ont l’originalité de s’intéresser aux taux de naissances cumulées, indicateur fiable des résultats. La deuxième étude dispose d’une cohorte d’étude impressionnante qui en fait son intérêt. Cependant, elles présentent l’inconvénient d’être toutes les trois des études rétrospectives et non prospectives randomisées ce qui est le gold standard d’un point de vue statistique. Pour conclure et contrairement à la tendance actuelle de certains centres à proposer 100% d’ICSI de façon systématique, ces études remettent en question sérieusement ces pratiques et notamment dans les infertilités non masculines.

Références

(1) K. Lattes AItamirano, O. Le Caire, S. Serra, M. Garà, C. MoIins, J. Beiio, A. PujoI, M. Castro, D. Garcia, R. Vassena, D. Matar. IVF vs ICSI in non male factor infertility : time to change course ? Poster ESHRE 2019.

(2) H. Kamali, I. Gamaleldin, P. Wilson V. Akande ICSI is associated with lower live birth outcomes compared to IVF in couples having their first treatment cycle. Poster ESHRE 2019.

(3) Z. LI,AY. Wang ,K.Hammarberg, C. Farquhuar,L. Johnson,N. Safi, EA Sullivan ICSI does not increase the cumulative live birth rate in non male factor infertility.Human reproduction,2018 .Poster COGI 2019.