Dr Sébastien GOUY, MD, PhD
Praticien spécialiste - Chirurgie gynécologique

Institut Gustave Roussy, Service de chirurgie
94800 VILLEJUIF, France

Les congrès de l’ASCO 2017 et 2018  ont été des crus exceptionnels pour la chirurgie du cancer de l’ovaire avec la présentation des résultats de l’essai LION, qui a conduit à une réduction drastique des  indications de curages  pelviens et lombo-aortiques mais aussi de l’essai du GOG 213 (ASCO 2018) qui a remis en cause les résultats  de l’essai DESKTOP III (ASCO 2017) plaidoyer pour la chirurgie de la cytoréduction au moment de la récidive. Ces 2 essais sur l’intérêt de la chirurgie de la récidive  présentés à 2 ASCO successifs avec des résultats contradictoires  montrent à quel point la prudence est indispensable avant de changer nos pratiques en routine.

Ces congrès ASCO 2017 et 2018 ont surtout remis sur le devant de la scène la CHIP qui anime les débats depuis plus de 20 ans (sans s’imposer comme un standard)  avec pas moins de 4 essais. Les deux essais négatifs dans les carcinoses péritonéales d’origine digestives (PRODIGE 7 et PROPHYLOCHIP) semblaient clore définitivement la question de la CHIP. Le débat a in fine juste été déplacé  sur les carcinoses d’origine ovarienne avec  2 essais aux résultats contradictoires : l’essai de phase 3 OVHIPEC et un essai de phase 3 Coréen (NCT 01091636)

L’essai de phase 3 OVHIPEC, publié par Van Driel  en janvier 2018 dans le New England journal of Medecine, conclut à un bénéfice de la CHIP réalisé en après chirurgie de cytoréduction : gain en médiane de survie sans récidive de 3,5 mois (14,2 mois contre 10,7 mois) et gain en médiane de survie globale de 11,8 mois  (45,7 mois  contre 33,9 mois). L’essai Coréen de Lim (non publié à ce jour mais présenté en poster à l’ASCO) rapporta le contraire avec l’absence de bénéfice de la CHIP réalisé après chirurgie de cytoréduction : médiane de survie sans récidive de 20 mois dans les 2 groupes et médiane de survie globale (71 mois versus 60 mois, non significatif).

Lors de la publication dans le New England journal of Medecine, l’essai de Van Driel était accompagné d’un édito rédigé par Spriggs et Zivanovic du MSKCC à New-York qui préconisait la prudence en détaillant pourquoi ce seul essai ne devait pas changer nos pratiques en routine.

Il y a finalement  plusieurs lectures pour analyser et in fine évaluer la valeur ajouté de la CHIP dans le cancer de l’ovaire. La première d’entre elles consiste à commenter l’essai de Van Driel en insistant soit sur ces faiblesses (médiane de PFS décevante même dans le bras CHIP, taux de résection digestive seulement à 24%, pas de bénéfice en de la CHIP dans l’hôpital qui a inclue 42 % des patientes, pas de données sur le statut BRCA….)  soit sur ces points forts (prestige de la revue, pas d’augmentation de la morbi-mortalité péri-opératoire de la CHIP, gain en survie globale….).

Une lecture plus large aborde l’intérêt de l’approche intra-péritonéale  qui représente  en théorie  une voie d’abord séduisante  compte tenue de taux important de récidive exclusivement péritonéale (environ 2/3 des cancers de l’ovaire). Cependant, le dernier essai randomisé comparant une chimiothérapie intraveineuse parfaitement conforme aux recommandations actuelles à une chimiothérapie intra péritonéale (essai de phase 3 GOG 252) ne montrait pas de différence entre les bras IV et intra-péritonéale.  La CHIP, qui ajoute l’hyperthermie à la voie intra-péritonéale, n’a pas réussi à s’imposer comme un standard durant ces 20 dernières années notamment en raison de données accumulées sans uniformisation de la technique. Le cisplatine, produit de référence dans le cancer de l’ovaire, a été utilisé dans plus d’une vingtaine d’études rétrospectives à des doses différentes, des durées de bain différent ainsi que des températures différentes. Les 2 essais de phase 3 présentés à l’ASCO  illustre parfaitement ces différences étonnantes : cisplatine 100mg/m2, 90 min, 40°C pour Van Driel, cipslatine 75mg/m2, 90 min, 42-43°C pour Lim.

Enfin une lecture plus globale pose la question de la potentielle valeur ajoutée de la CHIP en considérant les différentes options thérapeutiques dont l’offre s’est considérablement enrichie ces dernières années. Après l’avènement du Bevacizumab dont le bénéfice en gain de PFS est similaire à celui annoncé par Van Driel avec la CHP (autour de 4 mois), l’arrivée des inhibiteurs de PARP modifient en profondeur nos pratiques avec des gains en terme de survie globales et sans récidives d’une autre dimension: réduction de 70% du risque de récidive et de décès chez les patientes mutées BRCA sous Olaparib. Les autres inhibiteurs de PARP ainsi que les immunothérapies viennent compléter un ensemble de nouvelles thérapies dont les associations vont très probablement se révéler encore plus efficaces

Devant cette révolution qui galope, quelles sont les situations ou la CHIP pourrait s’avérer bénéfique ? L’essai de Van Driel conclut à un bénéfice de la CHIP uniquement pour les séreux de haut grade après chimiothérapie néoadjuvante pour lesquels les inhibiteurs de PARP s’installent comme une référence avec un bénéfice incomparable au moins chez les patientes mutées. Pour les autres histologies  (cellules claires, mucineux…..) nous n’avons pas de données pour évaluer la CHIP.

La CHIP peut assurément apporter un bénéfice à certaines patientes que nous ne savons malheureusement pas à l’heure actuelle identifiée.  L’avenir de la CHIP (si il y en un) repose assurément sur des « basket trial » qui proposerait la CHIP en cas de mutation identifiée qui rendrait la carcinose «ultra- sensible » à l’approche intra-péritonéale avec hyperthermie.