Riet FG1, Simon JM1, Canlorbe J2, Meillan N1, Blais E1, Belgith J2, Azais H2, Maingon P1, Uzan C2

 

1 - Sorbonne Université, Service d’Oncologie Radiothérapie, AP-HP, Hôpital Pitié Salpêtrière, 75013 Paris, France

2 - Sorbonne Université, Unité de Chirurgie et Cancérologie Gynécologique et Mammaire, AP-HP, Hôpital Pitié Salpêtrière, 75013 Paris, France

 

 

INTRODUCTION

 

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme en France, avec une incidence qui augmente depuis les dernières décennies mais avec une mortalité en baisse (1). Ceci s’explique, d’une part, par le dépistage systématique permettant un diagnostic du cancer à un stade précoce et, d’autre part, grâce à une amélioration des traitements.

 

La mastectomie a été pendant très longtemps le traitement des cancers du sein de stade précoce avec toutes les conséquences qui en découlent à la fois physique et psychique. Plusieurs essais cliniques ont depuis validé l’efficacité des traitements conservateurs des cancers du sein de stade précoce démontrant une équivalence en termes de survie globale entre la mastectomie—curage axillaire sans radiothérapie et le traitement conservateur avec radiothérapie (2–7).

 De nos jours, le traitement conservateur du sein, i.e. tumorectomie avec ou sans geste chirurgical ganglionnaire, suivi d’une radiothérapie post-opératoire est devenu le standard de traitement.

Nous proposons de faire le point sur les indications des traitements conservateurs et plus particulièrement sur les indications et les modalités de radiothérapie adjuvante ainsi que ces évolutions.

 

  1. Amélioration du contrôle local et de la survie globale des cancers du sein précoces avec la radiothérapie

 

Le traitement conservateur ne se conçoit qu’avec une radiothérapie mammaire adjuvante. Le rôle essentiel de la radiothérapie a bien été identifié dans une première méta-analyse de « Early Breast Cancer Trialist Collaborative Group » (EBCTCG) (2005) (8). En reprenant plus 7300 patientes traitées par chirurgie conservatrice avec ou sans radiothérapie dans 10 essais, il a été observé une diminution du taux de rechute locale à 5 ans de 25,9 à 7,3% (HR = 0,31 ; p < 0,00001) après tumorectomie suivie d’une irradiation comparée à une chirurgie conservatrice. Cette amélioration du contrôle local se traduit par une diminution de la mortalité spécifique par cancer du sein à 15 ans de 5,4% (HR = 0,83 ; p < 0,0002). Ainsi on considère ainsi que pour quatre récidives locales évitées, une vie est sauvée.

Cette première méta-analyse a été réactualisée en 2011, à partir de 10 801 patients de 17 essais, et elle a mis en évidence une réduction absolue du risque de récidive à dix ans de 15,7% (p < 0,000001) ; se traduisant par une diminution de 3,8% du risque absolu de mortalité spécifique par cancer du sein à 15 ans (p < 0,00005) (9). Son bénéfice était plus important en cas d’envahissement ganglionnaire (pN+) ou de facteur de risque de récidive locale en l’absence d’envahissement ganglionnaire (pN0). Par contre, toutes les patientes, quel que soit leur âge, la taille et le grade de la tumeur ou le statut des récepteurs hormonaux ainsi que l’utilisation ou non du tamoxifène bénéficiaient de la radiothérapie. Ainsi, un décès par cancer du sein est évité à 15 ans pour quatre récidives évitées à 10 ans grâce à la radiothérapie.

 

  1. Importance du « boost » sur le lit tumoral et planification en 3D-conformationnelle

L’effet-dose dans les cancers du sein a été décrit initialement par Arriagada et al. qui ont montré, qu’après 35 Gy, l’apport d’un complément de dose de 15 Gy diminue de deux tiers le risque de rechute locale (10). Ce concept a été validé cliniquement grâce aux essais « boost versus no boost » qui ont clairement démontré qu’une escalade de dose sur le lit de tumorectomie de 10-16 Gy permet de diminuer le risque de récidive de l’ordre 50 % quel que soit l’âge (11–13).

Ainsi avec un suivi médian de 17,2 ans, l’essai de « European Organization for Research and Treatment of Cancer » (EORTC) 22881-10882 a mis en évidence une diminution du risque de récidive locale avec un boost de 16 Gy, HR = 0,65 (IC99% [0,52-0,81] ; p < 0,0001) mais sans bénéfice sur la survie globale à 20 ans, HR = 1,05 (IC99% [0,92-1,19] ; p = 0,323) (11,12). Ce bénéfice relatif en contrôle local du boost est indépendant de l’âge des patientes mais il n’est plus statistiquement significatif après 50 ans (51-60 ans, p = 0,02 ; >60 ans, p = 0,019). Le risque de récidive étant plus élevé chez les femmes jeunes (<40 ans), le bénéfice absolu est donc plus important chez celles-ci. Par ailleurs, l’incidence cumulée de fibrose sévère à 20 ans était 1,8% (IC99% [1,1-2,5]) dans le bras no boost versus 5,2% (IC99% [3,9-6,4]) dans le bras boost (p < 0,0001).

Ce boost nécessite un repérage précis du lit de tumorectomie lors de la préparation du traitement de radiothérapie 3D-conformationnelle, avec l’utilisation de clips chirurgicaux mis dans le lit opératoire (14).

Actuellement, la Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire (SFSPM) et l’Institut National du Cancer (INCA) recommandent une surimpression du lit tumoral de 16 Gy après une chirurgie conservatrice et une irradiation mammaire de 50 Gy. Après 70 ans, l’omission de cette surimpression peut se discuter en raison du peu de données de la littérature pour évaluer le bénéfice du boost au-delà de cet âge (15).


Cependant, cette irradiation n’est pas dénuée de conséquences, avec un risque de toxicité à long terme faible mais clairement identifié : augmentation du risque de cancer secondaire (RR = 1,20), de décès d’origine cardiovasculaire (RR = 1,25 ; p = 0,00003) et augmentation du taux de cancer du sein controlatéral (RR = 1,18 ; p = 0,002) (8,16). Il faut néanmoins relativiser ces résultats qui sont issus d’études avec d’anciennes techniques d’irradiation, où la balistique et la qualité des faisceaux étaient moindres que maintenant, étant possiblement responsable de ces toxicités, en particulier cardiaque. C’est en affinant les indications et en améliorant la technique que nous pourrons réduire le taux des complications.

  1. Vers de nouveaux standards thérapeutiques ?

Certains pays anglo-saxons ont développé des traitements accélérés dans le but de raccourcir les délais de prise en charge et de diminuer le temps total de traitement : le concept de l’irradiation hypofractionnée est de délivrer des doses élevées par fraction (>2 Gy par fraction, par opposition au fractionnement standard = 2 Gy par fraction) tout en diminuant la dose totale (pour limiter l’incidence des toxicités tardives radio-induites) donc par conséquent le nombre de fractions. Cette radiothérapie hypofractionnée peut intéresser soit l’ensemble de la glande mammaire, soit uniquement le lit opératoire (irradiation partielle accélérée du sein).

Nous allons développer brièvement ces deux modalités d’hypofractionnement.

    1. Irradiation hypofractionnée de l’ensemble de la glande mammaire

Entre 2002 et 2013, quatre essais randomisés de non-infériorité ont évalué l’efficacité de schémas hypofractionnés par rapport au schéma d’irradiation standard de 50 Gy en 25 fractions. Ils ont inclus plus de 7000 patientes au total, atteintes d’un cancer du sein infiltrant non métastatique, opérables (un essai canadien, un essai pilote anglais Royal Marsden Hospital/Gloucestershire Oncology Centre (RMH/COG) et les essais START A et B) (17–20).

L’essai canadien a montré dans les différents sous-groupes que l’efficacité du traitement hypofractionné (42,5 Gy en 16 fractions) n’est pas statistiquement différente de celle du bras contrôle, quel que soit l’âge des patientes, la taille de la tumeur, le statut des récepteurs hormonaux et l’administration ou non d’un traitement systémique adjuvant. En revanche, le protocole hypofractionné semble moins efficace dans le sous-groupe des patientes présentant une tumeur de grade 3 (incidence cumulée des récidives locales à dix ans de 15,6% dans le bras expérimental contre 4,7% dans le bras contrôle ; p = 0,01) (17).

L’essai anglais RMH/COG a inclus 1410 patientes entre 1986 et 1998, avec un âge médian de 55 ans, atteintes d’un cancer du sein de stade T1 ou T2 dont 37% avec atteinte axillaire parmi les 60% qui ont eu un curage axillaire. Après chirurgie conservatrice, les patientes étaient randomisées entre une irradiation classique de 50 Gy en 25 fractions et cinq semaines et deux modalités d’irradiation hypofractionnée, soit 42,9 Gy en 13 fractions et cinq semaines soit 39 Gy en 13 fractions, toujours en cinq semaines. Les taux de récidives locales à dix ans étaient respectivement de 12% ; 9,6% et 14,8% (p = 0,0027) (18). Le dernier schéma semblait donc moins efficace.

Par ailleurs, entre 1998 et 2002, 2236 autres patientes ont été incluses dans l’essai multicentrique anglais Standardization of Breast Radiotherapy (START) A. Trois modalités d’irradiation ont été comparées (respectivement 50 Gy ; 41,6 Gy et 39 Gy), ressemblant fortement aux modalités étudiées dans l’essai du Royal Mardsen Hospital (19). Il est à noter que 15% des patientes avaient eu une mastectomie. Avec un recul médian de dix ans, les taux de récidive locorégionales étaient respectivement de 7,4% ; 6,3% et 8,8%. Aucune différence de mortalité n’a été mise en évidence entre les trois groupes. Les taux de cardiopathie ischémique, de fracture costale et de fibrose pulmonaire étaient comparables entre les trois groupes. L’induration post opératoire, les télangiectasies et l’œdème mammaire étaient légèrement diminués dans le bras 39 Gy.

L’essai START B conduit de 1999 à 2001, a inclus 2215 patientes traitées pour un cancer de stade pT1-3a pN0-1 par chirurgie conservatrice (92%) ou mastectomie (8%) (20). Dans la majorité des cas, les patientes avaient ≥ 50 ans (84%) et même plus de 70 ans dans 11,5%. Les tumeurs étaient majoritairement des stades pT1 (64%), et il y avait un envahissement ganglionnaire axillaire dans 23% des cas. Les patientes étaient randomisées entre une irradiation classique de 50 Gy, 25 fractions et 35 jours et une irradiation concentrée de 40 Gy en 15 fractions de 2,67 Gy et 21 jours (66). Avec un recul médian de 10 ans, les taux de récidive locale étaient de 5,2% dans le bras radiothérapie classique versus 3,8% dans le bras hypofractionné (p = 0,10) (67). Par contre, il y avait statistiquement moins de récidives à distance dans le groupe 40 Gy (12,3% contre 16%, p = 0,014), ce qui se traduit par une amélioration de la survie sans récidive (18,3% de récidive contre 22,2% dans le bras standard, p = 0,022) et de la survie globale à 10 ans (15,9% de mortalité contre 19,2% dans le bras standard, p = 0,042).

En termes de résultats esthétiques, les taux de modifications de l’aspect cutané (effets marqués et modérés) ont été moindres dans les groupes hypofractionnés de 39 Gy et de 40 Gy par rapport au groupe normo-fractionné (HR = 0,65 [0,49-0,87] ; HR = 0,82 [0,63-1,08], respectivement) (65). Enfin, il n’y avait aucune différence en termes d’accidents cardiaques ischémiques (respectivement 2,1% contre 1,5%), de fracture costale symptomatique (1,5% contre 2,2%) et de fibrose pulmonaire symptomatique (1,7% contre 1,7%).

 

A ce jour, l’INCA et la SFSPM ne recommandent pas l’hypofractionnement en cas de chimiothérapie adjuvante ou après mastectomie ou irradiation ganglionnaire associée. Il est possible de l’utiliser chez les femmes de plus de 50 ans, en cas de tumeurs T1, T2, pN0, RH+, qui ne sont pas de haut grade histo-pronostique, en l’absence d’emboles vasculaires péri-tumoraux et après résection en berges saines. Quand l’hypofractionnement est proposé, les données ne permettent pas de conclure quant au bénéfice du boost et ses modalités de réalisation (dose et fractionnement). Les schémas hypofractionnés suivants peuvent être utilisés : 42,5Gy /16 fractions sur 22 jours ; 41,6 Gy / 13 fractions sur cinq semaines et 40 Gy / 15 fractions sur trois semaines (15).

    1. Irradiation partielle du sein

Après une chirurgie conservatrice du sein, l’irradiation de la glande mammaire en totalité est systématique. Cependant cette irradiation n’est pas toujours aisée à réaliser en raison de l’âge des patientes, de la poursuite de leur activité professionnelle, de leur éloignement par rapport aux centres de traitement. A partir de ce constat, les schémas hypofractionnés ont été développés, permettant réduire la durée du traitement qui était le principal problème posé par l’irradiation classique (cinq fractions de 2 Gy par semaine). A l’issue de tout cela, le concept d’irradiation partielle et accélérée du sein (IPAS) a émergé dans les années 1980 (21,22). L’IPAS se base sur l’idée que seule l’irradiation du lit d’exérèse tumoral serait suffisante pour obtenir un taux de contrôle local identique à celui obtenu avec l’irradiation du sein en totalité (23). Cette hypothèse se fonde sur les données de différents essais ayant évaluées la place de la radiothérapie après chirurgie conservatrice du sein avec analyse du lieu de récidive. Ainsi il a été démontré que les récidives locales étaient principalement (85-90%) retrouvées à proximité ou dans le site initial de la tumeur (24,25). Les essais de radiothérapie mammaire ont mis en exergue le risque de survenue d’effets secondaires radio-induits (fibrose cutanée et séquelles esthétiques, pneumopathie radio-induite, toxicité cardiaque) (8,16). Ainsi, le concept de l’irradiation partielle accélérée du sein permet de proposer, chez les patientes atteintes d’un cancer du sein de petit stade à faible risque de récidive locale, une irradiation focalisée de courte durée (quelques heures à cinq jours de traitement) sans sur-risque de récidive locale (26).

 

Plusieurs techniques de radiothérapie sont disponibles pour réaliser cette IPAS. Elle peut être réalisée en peropératoire, avec la mise en place d’une source d’irradiation de relativement faible énergie (photons de 50 kV ou électrons de 3 à 10 MeV) dans la cavité de tumorectomie ou en post-opératoire par curiethérapie (source radioactive d’iridium 192) ou radiothérapie externe de façon classique.

L’utilisation en peropératoire a pour avantage un positionnement adéquat de la source d’irradiation dans le lit de tumorectomie mais le principal inconvénient est la non connaissance des marges d’exérèse au moment du traitement.

 

L’essai TARGIT-A incluant 3451 patientes, comparait une irradiation peropératoire de 20 Gy avec un applicateur sphérique (IntraBeam) (photons de faible énergie, 50 kV) à une irradiation externe classique de l’ensemble du sein (27). Il n’a pas été montré de différence statistiquement significative en termes de récidive locale à 5 ans (3,3% dans le bras IPAS et 1,3% dans le bras classique (p = 0,042)). Par ailleurs, les patientes qui étaient randomisées avant chirurgie et donc qui avaient l’IPAS pendant la tumorectomie (n = 2298), avaient un risque de récidive locale plus faible qu’avec l’irradiation externe classique (2,1% vs. 1,1% ; p = 0,31). Chez les patientes qui étaient randomisées après la chirurgie, ce qui nécessitait une deuxième intervention chirurgicale pour la mise en place de l’applicateur (n=1153), ce risque augmentait voire doublait, tout en restant non significativement différent (5,4% vs. 1,7% ; p = 0,069).

L’étude milanaise ELIOT a inclus 1305 patientes, comparant une irradiation peropératoire (21 Gy en une fraction avec des électrons de 6-9 MeV) à une irradiation externe classique avec un boost de 10 Gy (28). Il existait un risque de récidive dans le sein homolatéral à 5 ans de 4,4% dans le bras irradiation peropératoire versus 0,4% dans le bras standard (p < 0,0001). Cependant les caractéristiques anatomo-pathologiques des tumeurs incluses dans ces deux essais étaient différentes.

Dans l’essai ELIOT, elles étaient plus péjoratives que dans l’essai TARGIT-A : tumeurs de grade 3 (20% vs 15%), N+ (26% vs 17%). En analyse multivariée, la taille tumorale, la présence de 4 ganglions axillaires envahis ou plus, un grade 3, un index de prolifération élevé (Ki67 > 20%) et le sous -type moléculaire triple négatif étaient associés à une augmentation du risque de récidive locale dans l’essai ELIOT (76). Ces résultats sont concordants avec les recommandations américaines concernant les indications « optimales » d’irradiation partielle du sein (âge > 60 ans, T < 2cm, pas d’emboles, pN0, R0, RE positifs) (29). Même si elles ne sont pas complètement superposables, les recommandations européennes sur l’irradiation partielle du sein identifient une population cible (âge > 50 ans, T < 3cm, pas d’emboles, pN0, R0, RH positifs) (30). L’étude de phase II d’irradiation peropératoire montpelliéraine avec des électrons chez des patientes âgées de plus de 65 ans, a observé avec un suivi médian de 72 mois, 9,5% (4/42) de rechutes locales avec des taux de survie sans maladie à cinq ans et de survie globale, respectivement de 92,7% et 100%  (31).

Concernant les techniques utilisées, la curiethérapie est la technique la plus ancienne bénéficiant d’un recul plus important, avec un suivi médian de 5,25 à 11,1 ans (32,33). Les doses délivrées à bas débit de dose sont de l’ordre de 45 à 50 Gy et celles à haut débit de dose généralement de 32 à 34 Gy en huit à dix fractions. Que ce soit l’essai germano-autrichien ou l’essai hongrois, les taux de rechute locale à 5 ans étaient respectivement de 2,9% et 4,4% (32,33). La curiethérapie à haut débit de dose par système de ballonnet (Mammosite®) a été approuvée aux États-Unis en mai 2002. La série de l’American Society of Breast Surgeons (ASBS) avec 1440 patientes et un suivi médian de 54 mois, a rapporté un taux actuariel de rechute locale à cinq ans 3,8 % avec une dose 34 Gy en dix fractions (deux par jour) (34).

L’irradiation partielle du sein externe a été évaluée dans plusieurs essais avec des schémas de dose et des balistiques différents. Les doses délivrées allaient de 25 Gy en cinq fractions et dix jours à 38,5 Gy en dix fractions en cinq jours (35). Chaque technique traite des volumes différents, avec des doses variables, rendant donc les comparaisons particulièrement difficiles, d’autant plus que les critères d’inclusion sont très hétérogènes d’une étude à l’autre.

En 2017, l’étude britannique IMPORT-LOW a été publié a démontré la non-infériorité de l’irradiation partielle du sein par rapport à la radiothérapie hypofractionnée sur l’ensemble du sein (36). Cette étude a randomisé 2016 patientes avec un cancer du sein à stade précoce et faible risque de récidive entre l’irradiation conformationnelle en modulation d’intensité du sein à la dose totale de 40 Gy en15 fractions contre irradiation du sein à la dose de 36 Gy, suivie par un boost jusqu’à 40 Gy et irradiation partielle du sein à la dose de 40 Gy.

Le suivi médian était de 72,2 mois, et les estimations à 5 ans de l'incidence cumulée de rechute locale (définie comme la présence de tout carcinome invasif ou non invasif à n'importe quel endroit dans le sein homolatéral) étaient de 1,1% dans le groupe témoin, 0,2% dans le groupe irradiation du sein en totalité à dose réduite et 0,5% dans le groupe irradiation partielle du sein. Les évaluations photographiques, cliniques et de la part des patientes ont mis en évidence des effets indésirables similaires après une radiothérapie à dose réduite ou partielle du sein, avec statistiquement moins de modification de l'apparence du sein et de fibrose mammaire comparé au bras standard, irradiation du sein en totalité.

 

Les résultats des autres essais, IRMA et SHARE sont en attente. L’essai français SHARE prévoit d’inclure 2796 patientes âgées d’au moins 50 ans ménopausées, atteintes d’un carcinome invasif de moins de 2cm, avec des marges d’exérèse saine (> 2 mm), pN0 ou i+ (37). Elles seront randomisées entre une irradiation partielle et accélérée du sein conformationnelle tridimensionnelle (40 Gy en dix fractions), et une irradiation classique du sein en totalité (50 Gy en 25 fractions avec un boost de 16 Gy), et un schéma hypofractionné (42,5 Gy en 16 fractions ou 40 Gy en 15 fractions, sans boost).

En raison d’un intérêt croissant pour l’irradiation partielle accélérée du sein, les sociétés américaine (ASTRO) et européenne (ESTRO) de radiothérapie ont proposé des indications en dehors de tout essai clinique pour un groupe sélectionné de patientes, à condition que l’équipe médicale et physique soit reconnue comme experte en ce domaine et que la patiente soit informée du risque de récidive locale, des alternatives thérapeutiques et du faible recul de cette méthode d’irradiation (30,38).

Ainsi, trois groupes de patientes ont été déterminé : premièrement, celles à faible risque de récidive locale, pour qui l’irradiation partielle accélérée du sein peut être proposée en dehors de tout essai thérapeutique (groupe suitable) ; deuxièmement, celles à risque intermédiaire de récidive locale, pour qui l’irradiation partielle accélérée du sein ne peut être proposée que dans le cadre d’un essai clinique (groupe cautionary) ; et troisièmement, celles à risque élevé de récidives locales, pour lesquelles un traitement par irradiation partielle accélérée du sein est contre-indiqué (groupe unsuitable).

Les patientes du groupe suitable sont âgées de plus de 50 ans, atteintes d’un carcinome invasif (canalaire, tubulaire, mucineux ou colloïde), de stade pT1N0, opéré complètement, exprimant les récepteurs hormonaux et ne sur-exprimant pas Her2.

Le groupe de patientes cautionary comprend des patientes âgées entre 50 et 59 ans, atteintes d’un carcinome lobulaire invasif, de stade pT0-2, opéré avec une marge d’exérèse de moins de 2 mm, avec emboles vasculaires ou engainements périnerveux limités et n’exprimant pas des récepteurs estrogènes.

En ce qui concerne le groupe unsuitable, il s’agit des patientes jeunes (moins 50 ans), atteintes d’un cancer du sein T3 ou T4, opéré incomplètement, multifocal, avec présence d’emboles vasculaires ou d’engainements périnerveux.

CONCLUSION

Aujourd’hui le traitement conservateur est un acquis dans la prise en charge du cancer du sein. L’enjeu, à ce jour, est de proposer à chaque patiente un traitement personnalisé en façon de son risque de récidive pour adapter au mieux les modalités et les volumes d’irradiation. L’irradiation partielle accélérée du sein confirme sa place dans l’arsenal thérapeutique des cancers du sein. L’expérience en curiethérapie est actuellement la plus probante, mais celle-ci n’est pas toujours réalisable ainsi les techniques d’irradiation partielle en radiothérapie externe semblent être une piste intéressante.


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