Geoffroy CANLORBE, Henri AZAIS, Catherine UZAN, Jean-Luc MERGUI


Dans cette étude publiée en juillet 2018 dans JAMA [1], les auteurs montrent que le dépistage par test HPV (16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68) seul est associé à une diminution du taux de lésions histologiques de haut grade (CIN2+ et CIN3+) à 48 mois, par rapport à un dépistage cytologique classique.

Il s’agit d’une étude prospective randomisée menée par le Dr Ogilvie et ses collaborateurs au sein de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver. Les patientes ont été recrutées dans le cadre du programme canadien de dépistage du cancer du col de l’utérus de Janvier 2008 à Mai 2012, avec une surveillance poursuivie jusqu’à Décembre 2016. Les critères d’inclusion étaient un âge de 25 à 65 ans, l’absence de grossesse en cours, l’absence d’antécédent de lésion CIN2+ dans les 5 années précédentes, l’absence d’antécédent de cancer du col de l’utérus, d’hystérectomie, ou d’immunodépression (VIH ou prise de traitement immunosuppresseur). Enfin, les patientes ne devaient pas avoir eu de frottis de dépistage dans l’année précédente.

En pratique, les prélèvements en phase liquide (ThinPrep – Hologic Inc) ont été recueillis par 224 médecins correspondants chez 19.009 patientes ayant complété un questionnaire sociodémographique. Les flacons étaient tous adressés dans un des deux laboratoires référents où se faisait la randomisation 1:1 dans le groupe Intervention (Test HPV, n=9552) ou dans le groupe contrôle (cytologie classique, n=9457). Dans le groupe Intervention, en cas de négativité du test HPV, les patientes étaient convoquées 48 mois plus tard pour un double contrôle test HPV et cytologie. Dans le groupe Contrôle, en cas de normalité de la cytologie, les patientes étaient convoquées pour un nouvel examen cytologique à 24 mois, puis en cas de normalité pour un double contrôle test HPV cytologie à 48 mois. Dans les deux groupes, une anomalie des examens pouvaient justifier d’une colposcopie ou d’une surveillance rapprochée selon les recommandations canadiennes, puis d’un contrôle final à 48 mois par double test HPV et cytologie.

D’après l’analyse des questionnaires sociodémographiques, les deux groupes étaient comparables pour l’âge (âge moyen de 45 ans), le niveau d’étude, l’ethnie, le nombre de partenaires sexuels, le tabagisme. Seulement 0,6% des patientes déclaraient avoir été vaccinées contre l’HPV.

A l’évaluation à 48 mois, les patientes du groupe Intervention présentaient une incidence significativement plus faible de lésions CIN3+ (2,3/1000 ; 95% CI : 1,5-3,5) que les patientes du groupe Contrôle (5,5/1000 ; 95% CI : 4,2-7,2), avec un risque relatif à 0,42 (95% CI : 0,25-0,69), p<0,001. De même, les patientes du groupe Intervention présentaient une incidence significativement plus faible de lésions CIN2+ (5,0/1000 ; 95% CI ; 3,8-6,7) que les patientes du groupe Contrôle (10,6/1000; 95% CI : 8,7-12,9) avec un risque relatif de 0,47 (95% CI ; 0,34-0,67), p<0,01. Ces différences restaient significatives si l’on considérait séparément les patientes de plus ou moins de 30 ans. A noter que les incidences des lésions histologiques de haut grade étaient plus élevées et de façon plus précoce dans le groupe Intervention que dans le groupe Contrôle. A la fin de la période d’étude, les incidences cumulées n’étaient pas différentes selon les différents groupes.

Si l’on considère maintenant uniquement les patientes avec un test HPV négatif ou un frottis normal à l’inclusion, les patientes du groupe Intervention présentaient à l’évaluation à 48 mois une incidence significativement plus faible de lésions CIN3+ (1,4/1000 ; 95% CI : 0,8-2,4) que les patientes du groupe Contrôle (5,4/1000 ; 95% CI : 4,1-7,4), avec un risque relatif à 0,25 (95% CI : 0,13-0,48), p<0,001. De même, les patientes du groupe Intervention présentaient à l’évaluation à 48 mois une incidence significativement plus faible de lésions CIN2+ (3,6/1000 ; 95% CI ; 2,6-5,1) que les patientes du groupe contrôle (10,0/1000; 95% CI : 8,2-12,3) avec un risque relatif de 0,36 (95% CI ; 0,24-0,54), p<0,01. Les patientes avec un test HPV négatif à l’inclusion avaient un risque significativement plus bas d’incidence cumulée de lésion histologique CIN3+ et CIN2+ à 48 mois que les patientes avec un frottis normal à l’inclusion.

Les taux cumulés de colposcopie n’étaient pas significativement différents entre les groupes Intervention (106,2/1000 [95% CI, 100,2-112,5]) et Contrôle (101,5 [95% CI, 95,6-107,8]).

Discussion

L’essai randomisé HPV FOCAL a déjà fait l’objet de 8 publications [2-9], mais cette étude en présente pour la première fois les résultats de l’analyse de l’objectif principal concernant les taux de lésions CIN3+ à 48 mois [1].

Il ressort qu’un dépistage par test HPV seul permet d’accélérer le dépistage de lésions histologiques de haut grade, par rapport à un dépistage cytologique classique, sans en changer l’incidence globale à 48 mois [1]. Ces données sont en accord avec les précédentes méta-analyses en faveur du dépistage des lésions précancéreuses par test HPV seul ou en association avec la cytologie [10-11].

Cette étude montre également qu’un test HPV négatif est associé à moins de 5% de risque de lésion CIN2+ à 72 mois en faveur d’une proposition d’espacement du suivi de ces patientes dans le cadre du dépistage. Ces données rejoignent celles de la méta-analyse de Arbyn et coll [12] qui confirme la place du test HPV cette fois ci comme outil de surveillance post-thérapeutique puisque sa négativité dans les 3-9 mois après l’exérèse d’une lésion de haut grade est associée à un taux de récidive dans les 18 mois de moins de 1%. Ces données ont également été confirmées par d’autres études plus récentes [13] [14] suggérant qu’un test HPV négatif en post-thérapeutique pourrait permettre d’espacer la surveillance de ces patientes.

Le bénéfice d’un dépistage par test HPV seul doit maintenant être démontré par une étude médico-économique incluant l’analyse combinée du micro-cout et de la satisfaction des patientes (questionnaire EQ5D ET HUI-III). L’analyse est déjà en cours à partir des données de l’essai HPV FOCAL et fera l’objet d’une publication spécifique prochainement.

Références

[1] Ogilvie GS, van Niekerk D, Krajden M, Smith LW, Cook D, Gondara L, Ceballos K,Quinlan D, Lee M, Martin RE, Gentile L, Peacock S, Stuart GCE, Franco EL, Coldman AJ. Effect of Screening With Primary Cervical HPV Testing vs Cytology Testing on  High-grade Cervical Intraepithelial Neoplasia at 48 Months: The HPV FOCAL Randomized Clinical Trial. JAMA. 2018 Jul 3;320(1):43-52. doi: 10.1001/jama.2018.7464. PubMed PMID: 29971397.

[2] Cook DA, Smith LW, Law J, Mei W, van Niekerk DJ, Ceballos K, Gondara L, Franco EL, Coldman AJ, Ogilvie GS, Jang D, Chernesky M, Krajden M. Aptima HPV Assay versus Hybrid Capture(®) 2 HPV test for primary cervical cancer screening in the  HPV FOCAL trial. J Clin Virol. 2017 Feb;87:23-29. doi: 10.1016/j.jcv.2016.12.004. Epub 2016 Dec 11. PubMed PMID: 27988420.

[3] Coldman AJ, Gondara L, Smith LW, van Niekerk D, Ceballos K, Krajden M, Cook D, Quinlan DJ, Lee M, Stuart GC, Peacock S, Martin RE, Gentile L, Franco EL, Ogilvie GS. Disease detection and resource use in the safety and control arms of the HPV  FOCAL cervical cancer screening trial. Br J Cancer. 2016 Dec 6;115(12):1487-1494. doi: 10.1038/bjc.2016.368. Epub 2016 Nov 17. PubMed PMID: 27855441; PubMed Central PMCID: PMC5155363.

[4] Ogilvie GS, Krajden M, van Niekerk D, Smith LW, Cook D, Ceballos K, Lee M, Gentile L, Gondara L, Elwood-Martin R, Peacock S, Stuart G, Franco EL, Coldman AJ. HPV for cervical cancer screening (HPV FOCAL): Complete Round 1 results of a  randomized trial comparing HPV-based primary screening to liquid-based cytology for cervical cancer. Int J Cancer. 2017 Jan 15;140(2):440-448. doi: 10.1002/ijc.30454. Epub 2016 Oct 20. PubMed PMID: 27685757.

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[6] Cook DA, Mei W, Smith LW, van Niekerk DJ, Ceballos K, Franco EL, Coldman AJ, Ogilvie GS, Krajden M. Comparison of the Roche cobas® 4800 and Digene Hybrid Capture® 2 HPV tests for primary cervical cancer screening in the HPV FOCAL trial. BMC Cancer. 2015 Dec 16;15:968. doi: 10.1186/s12885-015-1959-5. PubMed PMID: 26674353; PubMed Central PMCID: PMC4682219.

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[13] Ceballos KM, Lee M, Cook DA, Smith LW, Gondara L, Krajden M, van Niekerk DJ, Coldman AJ. Post-Loop Electrosurgical Excision Procedure High-Risk Human Papillomavirus Testing as a Test of Cure: The British Columbia Experience. J Low  Genit Tract Dis. 2017 Oct;21(4):284-288

[14] Garutti P, Borghi C, Bedoni C, Bonaccorsi G, Greco P, Tognon M, Martini F. HPV-based strategy in follow-up of patients treated for high-grade cervical intra-epithelial neoplasia: 5-year results in a public health surveillance setting. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2017 Mar;210:236-241.