Cette étude rétrospective réalisée à partir de l’analyse des dossiers de 783 patientes ayant une lésion intraépithéliale du col de l’utérus pour laquelle une abstention / surveillance avait été décidée a évalué l’impact de l’âge sur l’histoire naturelle de ces lésions.1 Après confirmation histologique du diagnostic initial, toutes les patientes ont bénéficié d’une abstention thérapeutique avec surveillance pour une durée moyenne d’un peu plus de 2 ans (29 mois). L’âge moyen au diagnostic était de 33,4 (±9,5) ans. Les lésions étaient des CIN1 dans 42,5 % des cas, des CIN2 dans 26,6 % et des CIN3 dans 30,9 %. On notera qu’aucun cas de cancer n’a été diagnostiqué au cours du suivi. Pour les CIN1, une guérison complète de la lésion a été observée dans 59,1 % des cas avec une persistance et une aggravation de la lésion dans 26,9 % et 14 %, respectivement. Ces chiffres étaient de 34,7 %, 4,8 % et 18,9 % pour les CIN2 avec une régression dans 45,3 % des cas. Enfin, pour les CIN3, une régression a été observée dans 34,4 % des cas avec une guérison complète dans 23 % des cas alors que la lésion persistait dans 63,9 % des cas. Par rapport aux lésions de haut grade, la probabilité de régression et de guérison complète des lésions était significativement plus importante pour les lésions de bas grade (p=0,001 et p<0,001). La probabilité de persistance était plus importante et maximale pour les hauts grades, et en particulier pour les CIN3 (p<0,001).

Tous stades de CIN confondu, les résultats montrent que la probabilité de régression et de disparition complète des lésions est significativement d’autant plus importante que la patiente est jeune. Ainsi, une régression était observée dans 44,7 % des cas chez les femmes de moins de 25 ans, contre 33,7 % entre 25-30 ans, 30,9 % entre 30-35 ans, 27,3 % entre 35-40 ans, et 24,8 % après 40 ans (p<0,001). A tranches d’âges équivalentes, une disparition complète des lésions était observée dans 39,7 % des cas, 29,2 %, 25,7 %, 22,3 % et 23,1 % (p<0,001).  A l’inverse, si la probabilité de persistance des lésions n’est pas significativement impactée par l’âge avec un risque oscillant entre 44 et 61 %, le risque de progression des lésions est significativement d’autant plus important que la patiente était âgée. Ainsi, une progression était observée dans 10,6 % des cas avant 25 ans contre 13,5 % entre 25-30 ans, 17,1 % entre 30-35 ans, 10,8 % entre 35-40 ans et 24,9 % après 40 ans (p=0,003).

En analyse multivariée, l’âge conserve un impact significatif et indépendant sur la probabilité de régression avec une probabilité que la lésion régresse d’autant plus faible que l’âge de la patiente augmente (ORa : 0,89 ; IC à 95 % : 0,79-0,99 ; p=0,049). Si la probabilité de régression est d’autant plus faible que la sévérité des lésions augmente. Ceci n’est vrai que lorsque l’on compare les CIN1 et les CIN3 (ORa : 0,39 ; IC à 95 % : 0,21-0,75) ; aucune différence significative n’était observée lorsque l’on comparait la probabilité de régression spontanée des CIN2 par rapport aux CIN1.

Les résultats de cet article confirment ce que l’on savait déjà sur la probabilité très importante de régression et de guérison spontanée des lésions de bas grade. Ils illustrent également la possibilité de régression des lésions de haut grade, en particulier pour les CIN2. Mais surtout, ces résultats montrent l’importance de l’âge des patientes sur l’histoire naturelle de ces lésions. Ainsi, parmi les patientes les plus jeunes, la probabilité de régression et de guérison spontanée des lésions intraépithéliales est la plus élevée, avec un risque d’aggravation qui reste très faible. Ces résultats confirment la nécessité de ne pas traiter les lésions de bas grade qui ne justifient que d’une simple surveillance.2 Concernant les lésions de haut grade, ces résultats ne remettent absolument pas en question le principe selon lequel ces lésions doivent être traitées.2 Néanmoins, cette étude apporte de solides arguments en faveur de la possibilité d’une abstention thérapeutique en cas de lésion de haut grade pour les patientes de moins de 30 ans, surtout s’il s’agit d’une CIN2. Il est important de rappeler que cette attitude est proposée dans les dernières recommandations nationales comme une option, en alternative à la conisation chez les femmes de moins de 30 ans.2 Dans cette population de femmes jeunes, la régression et la guérison spontanée sont possibles et peuvent permettre d’envisager cette prise en charge dans le but d’éviter une conisation et la morbidité obstétricale qui y est associée.3 Celle-ci ne sera bien sur possible que si la patiente a été informée de la nécessité d’un suivi régulier (tous les 6 mois) et de la nécessité de traitement en cas d’aggravation de la lésion, ou si celle-ci persiste plus de 2 ans. Elle ne sera également envisageable que si les caractéristiques colposcopiques de la lésion le permettent : jonction entièrement visible, lésion de petite taille et sans signe de gravité colposcopique. Une telle attitude ne doit par contre pas être proposée aux patientes de plus de 30 ans, et ce quel que soit leur contexte obstétrical.

 

Pour en savoir plus

  1. Bekos et al. Influence of age on histologic outcome of cervical intraepithelial neoplasia during observational management: results from large cohort, systematic review, meta-analysis. Sci Rep. 2018;8(1):6383.
  2. Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cervico-utérine anormale / Recommandations [Internet]. 2016. Available from: http://www.e-cancer.fr/content/download/178363/2343581/file/Conduite_a_tenir_devant_une_femme_ayant_une_cytologie_cervico_uterine_anormale_Thesaurus_mel_20170123.pdf
  3. Kirgiou et al. Obstetric outcomes after conservative treatment for cervical intraepithelial lesions and early invasive disease. Cochrane Database Syst Rev. 2017;11:CD012847.