Geoffroy CANLORBE, Jérémie BELGHITI, Marianne NIKPAYAM, Henri AZAÏS, Catherine UZAN
Service de chirurgie et oncologie gynécologique et mammaire, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, 
Sorbonne Université, Paris, France - Institut Universitaire du Cancer, Paris, France
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Le cancer de l'endomètre représente dans le pays développés le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes. Chaque année, 88 068 nouveaux cas sont enregistrés dans l'Union européenne, dont 6 500 en France. Environ 75% des cas sont diagnostiqués à un stade précoce, limité au corps de l’utérus, pour lesquels une prise en charge par chirurgie mini-invasive est recommandée avec hystérectomie +/- geste ganglionnaire. Des séjours hospitaliers moyens d’une journée après la chirurgie sont habituellement justifiés par la plupart des équipes pour permettre la gestion de la douleur et des nausées, la prise en charge d’une sonde vésicale ou la surveillance d’éventuelles complications post opératoires [Yu, 2013].

Nous avions déjà fait le point l’an passé dans Gynéco Online sur les données de la littérature internationale concernant la prise en charge chirurgicale en ambulatoire des patientes présentant un cancer de l’endomètre. Nous avions conclu, d’après 6 études rétrospectives publiées entre 2011 et 2016, que la prise en charge chirurgicale en un jour des patientes présentant un cancer de l’endomètre était faisable et sure, malgré les comorbidités associées à cette pathologie (obésité, hypertension, diabète).

Pour mémoire :

  • Gien et ses collaborateurs avaient décrit en 2011 la prise en charge de 303 patientes par cœlioscopie pour une pathologie oncologique pelvienne, dont 49,5% pour un cancer de l'endomètre. Cent quarante-sept (48,5%) avaient eu une durée d’hospitalisation de moins d’une journée (séjour moyen de 295 minutes), sans complication post opératoire majeure, et parmi elles 7 (4,8%) avaient été réadmises dans les trois semaines suivant l’intervention.
  • Rettenmaier et ses collaborateurs avaient présenté en 2012 les données issues de la prise en charge programmée en un jour pour 21 patientes avec cancer de l’endomètre avec cœlioscopie opératoire, hystérectomie totale et curages pelviens bilatéraux. Le taux de succès de retour à domicile à J0 était de 75% (21/28). Parmi, les 21 patientes prises en charge en ambulatoire, il n'y avait pas eu de complications peropératoires ni de réadmissions [Rettenmaier, 2012].
  • Lee et ses collaborateurs avait rapporté en 2014 l’issue de 200 interventions (41% pour cancer de l’endomètre) programmées en un jour pour hystérectomie robot assistée dont 91 (45%) avec geste ganglionnaire associé (ganglion sentinelle, et/ou curage pelvien et/ou curage lombo aortique). Cent cinquante-sept patientes (78%) avaient pu regagner leur domicile le jour de l’intervention. Les patientes hospitalisées moins d’une journée avaient été moins ré-hospitalisées que les patientes ayant prolongé leur hospitalisation : n=4/157 (2,5%) vs. n=3/43 (7,0%). [Lee, 2014]
  • Penner et ses collaborateurs avaient présenté en 2015 l’issue de 141 interventions consécutives (82,3% pour cancer de l’endomètre) programmées en un jour pour cœlioscopie, hystérectomie totale, curages pelviens et lomboaortique. Cent dix-huit patients (83,7%) avaient pu regagner leur domicile le jour même. Le taux de réadmission post opératoire était identique selon la prise en charge en ambulatoire ou non (11% vs 17%, p = 0,48). [Penner, 2015]
  • Melamed et ses collaborateurs avaient publié en 2015 une étude rétrospective uni centrique concernant 696 patientes opérées d’un cancer de l’endomètre (37% avec curages pelviens et 3% avec curage lombaortique) entre 2011 et 2013. Ils rapportaient un taux de prise en charge en ambulatoire passé sur cette période de 3,9% à 69,6%, sans complication supplémentaire.
  • Lee et ses collaborateurs avaient présenté en 2016 l’analyse d’une base de donnée américaine sur les modalités de prise en charge par cœlioscopie de 9020 patientes avec un cancer de l’endomètre opérées entre 2010 et 2014. Le taux de retour à domicile à J0 était de 8,1 % (n=729). La prise en charge en un jour était associée, par rapport à une hospitalisation plus longue, à moins d’infections du site opératoire, et à des taux équivalents de complications post opératoires et de réadmissions. [Lee, Gynecol Oncol, 2016]

Ces données ont été confirmées par une nouvelle étude rétrospective américaine publiée par Praiss et ses collaborateurs en 2019 dans l’AJOG [Praiss, 2019]. Les auteurs ont inclus 14.720 patientes opérées d’une hystérectomie par voie mini-invasive pour un cancer de l’endomètre, dont 1.828 (12,4 %) en ambulatoire et 12.892 (87,6 %) avec une sortie à J1. Un des premiers résultats étaient que le taux de prise en charge en ambulatoire était passé de 5,6 % en 2011 à 16,3 % en 2016 (p<0,001). D’après l’analyse multivariée, une prise en charge dans les dernières années était associée à une prise en charge en ambulatoire, alors que l'âge avancé (>70 ans), et des comorbidités à type de bronchopneumopathie chronique obstructive et d’hypertension étaient associés à une diminution de la probabilité de sortie le jour même. De même, l’obésité était associée à une diminution de 15 % du taux d’ambulatoire (RR 0,85 ; IC 95 %, 0,75-0,97). Le taux de réadmission était de 2,3 % chez les patientes prises en charge en ambulatoire, contre 3,1 % chez les patientes sorties à J1 (p=0,051). En analyse multivariée, il n'y avait pas d'association entre la prise en charge en ambulatoire et les ré hospitalisations (RR : 0,99 ; IC95% : 0,71-1,38). Parmi les patientes prises en charge en ambulatoire, un temps opératoire plus long et la survenue d'une complication péri opératoire étaient associés à une augmentation du taux de ré hospitalisation.

Il convient de rappeler qu’en France, la prise en charge de ces patientes en ambulatoire est encore très marginale. Il existe plusieurs freins en France. Le premier est organisationnel et porte sur la durée d’ouverture des services d’ambulatoire. En effet, la définition Française de la chirurgie ambulatoire est une hospitalisation de moins de 12h contrairement à la définition internationale du « same-day discharge » qui est de 24 heures. Le second frein est culturel : de nombreux professionnels (médicaux ou paramédicaux) ont des réticences quant à l’intérêt ou au bénéfice de la prise en charge ambulatoire. Enfin, le dernier frein est le manque de réseau ville-hôpital.

La prise en charge ambulatoire des patientes opérées d’un cancer pelvien par voie mini-invasive est donc une option sure. Elle nécessite une coordination et une implication forte de l’ensemble des acteurs du parcours de soin. En amont de l’intervention (information, anticipation des ordonnances post-opératoires, consultation d’anesthésie, équipe de médecine nucléaire), le jour de l’intervention (parcours patient, coordination entre les différents intervenants, gestion de la sortie), et en post-opératoire (appel de la patiente, disponibilité 24h/24 et coordination ville-hôpital). Cependant, à ce jour, aucune étude prospective n’a évalué la prise en charge en ambulatoire par rapport à un circuit traditionnel des patientes présentant un cancer de l’endomètre. Afin de répondre à cette question nous mettons en place une étude prospective randomisée multicentrique financée dans le cadre d’un programme de recherche médico-économique (PRME 2015, étude AMBU-ENDO). Ce protocole permettra d’évaluer la sécurité de cette prise en charge, son impact médico-économique mais aussi la satisfaction des patientes et de soignants.

 

Bibliographie

AMBU-ENDO. Cost-utility of Ambulatory Surgery in the Management of Endometrial Cancer(AMBU-ENDO). ClinicalTrials.gov Identifier: NCT03580421

Belghiti J, Marchand E, Nikpayam M, Corsia G, Canlorbe G, Uzan C. Hystérectomie et ganglion sentinelle en ambulatoire par voie robot-assistée : sommes-nous prêt en France ? Gynecol Obstet Fertil. 2016 Oct;44(10):605–6.

Bruneau L, Randet M, Evrard S, Damon A, Laurent F-X. Prise en charge ambulatoire de l'hystérectomie laparoscopique: évaluation de la faisabilité et de la satisfaction des patientes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 2015 Nov;44(9):870–6.

Gien LT, Kupets R, Covens A. Feasibility of same-day discharge after laparoscopic surgery in gynecologic oncology. Gynecol Oncol. 2011 May 1;121(2):339-43.

Lee SJ, Calderon B, Gardner GJ, Mays A, Nolan S, Sonoda Y, Barakat RR, Leitao MM Jr. The feasibility and safety of same-day discharge after robotic-assisted hysterectomy alone or with other procedures for benign and malignant indications. Gynecol Oncol. 2014 Jun;133(3):552-5.

Lee J, Aphinyanaphongs Y, Curtin JP, Chern JY, Frey MK, Boyd LR. The safety of same-day discharge after laparoscopic hysterectomy for endometrial cancer. Gynecol Oncol. 2016 Sep;142(3):508-13. doi: 10.1016/j.ygyno.2016.06.010. Epub 2016 Jun 30. PubMed PMID: 27288543

Melamed A, Katz Eriksen JL, Hinchcliff EM, Worley MJ Jr, Berkowitz RS, Horowitz NS, Muto MG, Urman RD, Feltmate CM. Same-Day Discharge After Laparoscopic Hysterectomy for Endometrial Cancer. Ann Surg Oncol. 2016 Jan;23(1):178-85. doi: 10.1245/s10434-015-4582-4. Epub 2015 May 9. PubMed PMID: 25956576.

Penner KR, Fleming ND, Barlavi L, Axtell AE, Lentz SE. Same-day discharge is feasible and safe in patients undergoing minimally invasive staging for gynecologic malignancies. Am J Obstet Gynecol. 2015 Feb;212(2):186.e1-8.

Praiss AM, Chen L, St Clair CM, et al. Safety of same-day discharge for minimally invasive hysterectomy for endometrial cancer. Am J Obstet Gynecol. 2019;221(3):239.e1‐239.e11. doi:10.1016/j.ajog.2019.05.003

Rettenmaier MA, Mendivil AA, Brown JV 3rd, Abaid LN, Micha JP, Goldstein BH. Same-day discharge in clinical stage I endometrial cancer patients treated with total laparoscopic hysterectomy, bilateral salpingo-oophorectomy and bilateral pelvic lymphadenectomy. Oncology. 2012;82(6):321-6

Yu X, Lum D, Kiet TK, Fuh KC, Orr J Jr, Brooks RA, Ueda SM, Chen LM, Kapp DS, Chan JK. Utilization of and charges for robotic versus laparoscopic versus open surgery for endometrial cancer. J Surg Oncol. 2013 M