Cancers gynécologiques et COVID-19 : quels enseignements ?
Johanna WASSERMANN
A 7 semaines du début du confinement en France, les interrogations et les réflexions se sont un peu éclaircies.
Il n’existe actuellement pas de données épidémiologiques robustes sur la COVID-19 chez les patientes atteintes de cancers gynécologiques. Cependant, au quotidien, l’impression n’est pas à une flambée épidémique parmi nos patientes y compris dans les régions très touchées par la COVID-19 comme l’Île-De-France ou le Grand Est. Nos patientes se considérant plus à risque se sont-elles confinées plus tôt et plus strictement ? Cela est une possible explication. Toujours est-il que le pronostic de nos patientes est, aujourd’hui comme hier, lié essentiellement à leur maladie oncologique. Notre mot d’ordre doit donc rester : ne pas faire perdre de chance à nos patientes.
Nos sociétés savantes ont toutes rédigées des recommandations pleines de bon sens pour la prise en charge de nos patientes dans le contexte épidémique actuel. L’application de ces recommandations dépend également fortement de la situation locale vis-à-vis de l’épidémie. Il appartient donc à chaque équipe d’avoir les discussions multidisciplinaires nécessaires concernant chaque patiente tenant compte de la pathologie, du terrain et du contexte COVID local.
Retenons surtout de cette situation particulière les évolutions très positives qui en ont découlé :
- Le déploiement express de la télémédecine qui a permis paradoxalement à la fois de limiter les venues à l’hôpital et de garder un lien très étroit avec les patientes pour discuter de leur prise en charge et les rassurer. Contrairement à ce qui aurait pu être redouté, la plupart de nos patientes, y compris âgées ont su s’adapter à ce nouveau mode de consultation qui reste probablement à évaluer plus en détail à l’avenir.
- La rapidité de mise en place de circuits patients spécifiques et de filières dédiées. Qu’il s’agisse des circuits de dépistage de la COVID-19 dans les services prenant en charge le cancer, de prise en charge du cancer chez les patients atteints de COVID-19 ou de prise en charge de la COVID-19 chez les patients atteints de cancer, l’adaptabilité et la flexibilité ont dû et devront être nos maitres-mots.
- L’amplification de discussions fines sur la balance bénéfice/risque partagées avec la patiente, notamment en situation avancée. En l’absence de symptôme, l’abstention thérapeutique ou le report d’un traitement est parfois l’attitude la plus adaptée.
- Le développement fulgurant de la recherche clinique dédiée. La mise en place extrêmement rapide d’essais thérapeutiques et de cohortes nous permettrons bientôt de mieux connaitre l’épidémiologie et la meilleure prise en charge de la COVID-19 chez nos patientes atteintes de cancer.
C’est dans ces grands défis que la vie nous apporte que la phrase de Nelson Mandela prend tout son sens : « I never lose. I either win or learn ». A quelques jours du déconfinement, gardons ces mots d’ordre en tête. Continuons de baser nos décisions sur des preuves tout en gardant du bon sens, continuons de soigner nos patientes au mieux de leur cancer tout en limitant leur exposition au virus.
Dr Johanna Wassermann
Service d’Oncologie Médicale
Hôpital de La Pitié-Salpêtrière
Paris