Commentaire de l’article : Ciavattini A et al. Hysterectomy for cervical intraepithelial neoplasia: A retrospective observational multi-institutional study. Int J Gynaecol Obstet. 2022. Online ahead of print.

L’hystérectomie n’est pas recommandée en première intention pour le traitement d’une lésion intraépithéliale de haut garde (LIEHG) du col utérin. Ce point est clairement précisé dans les recommandations INCa de 2016 (1). L’hystérectomie ne peut finalement être proposée que chez une patiente ayant une récidive d’une LIEHG, ayant déjà bénéficié d’une ou plusieurs conisations et pour laquelle le reliquat cervical est insuffisant pour permettre un nouveau geste d’exérèse dans de bonnes conditions de sécurité.  Elle peut aussi bien évidemment être envisagée pour le traitement d’une LIEHG s’il existe une pathologie utérine associée relevant d’une hystérectomie.

Nos collègues italiens viennent de publier une étude rétrospective multicentrique dont le but était d’évaluer la prise en charge et le suivi des patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie pour le traitement d’une LIEHG du col utérin. Les patientes opérées dans neuf centres sur une période de 10 ans de 2010 à 2020 ont été incluses. Toutes les patientes avaient eu un diagnostic de lésion intraépithéliale du col utérin fait sur une biopsie ou une conisation dans un délai de moins de 12 mois précédant l’hystérectomie. Les patientes ayant eu une hystérectomie pour une lésion micro-invasive ou invasive du col n’ont pas été inclues, de même que celles ayant eu une trachélectomie, ou une hystérectomie subtotale. Sur la période étudiée, 14260 hystérectomies ont été réalisées pour une pathologie bénigne dans les neufs centres participants et 242 (1,7 %) pour une lésion intraépithéliale du col utérin avec un âge moyen de 50 ans. La quasi-totalité des patientes avaient déjà eu une conisation et 24 % d’entre elles en avaient déjà eu au moins deux. On notera que seules 9 patientes (3,7 %) avaient un reliquat cervical jugé insuffisant pour permettre la réalisation d’une nouvelle conisation. Une pathologie utérine bénigne justifiant de la réalisation d’une hystérectomie a été identifiée dans 15,7 % des cas avec dans près de la moitié de ces cas la notion d’un utérus fibromateux et/ou d’une adénomyose. La chirurgie mini invasive était la plus souvent utilisée (62 %). Les hystérectomies avaient été réalisées après la preuve histologique d’une lésion de haut grade dans 90,1 % des cas. Finalement, l’analyse histologique des pièces d’hystérectomie a retrouvé une lésion de haut grade dans 71,5 % des cas. Une micro-invasion a finalement été observée dans 17,3 % des cas avec un cancer invasif dans 3 cas (1,24 %). La proportion de patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie pour cette indication a progressivement et significativement augmenté au cours de la durée de l’étude avec 0,46 % des hystérectomies réalisées pour une lésion intraépithéliale du col utérin en 2010 contre 3,32 % en 2020 (p=0,002). De la même manière, la proportion de patientes ayant eu une hystérectomie pour cette indication ramenée au nombre des patientes ayant eu une conisation a également augmenté de manière significative, passant de 0,79 % à 3,13 % (p<0,001).

Le taux de morbidité opératoire a été estimé à 5,4 % avec 5 patientes concernées dont 3 cas de complications urinaires per opératoires, 1 cas de lésion vasculaire et 1 cas d’arythmie cardiaque. Une complication postopératoire a été observée dans 10 cas (4,1 %). Une patiente (0,4 %) est décédée des suites d’une hémorragie intra abdominale.

Parmi les patientes incluses, 217/242 (89,7 %) ont bénéficié d’un suivi de 36 mois (range : 6-132). Au cours de ce suivi, une lésion vaginale a été identifiée dans 5 % des cas avec 2 cas (0,8 %) de cancer invasif du vagin, 5 cas (2,07 %) de lésion intraépithéliale de bas grade et 5 cas (2,07 %) de lésion intraépithéliale de haut grade du vagin.

Cette étude présente de façon très claire la balance largement défavorable entre les avantages thérapeutiques limités de l’hystérectomie dans cette indication et la morbi-mortalité qui lui est associée. Il est intéressant de souligner que les résultats de cette étude confirment que l’hystérectomie ne protège pas de façon définitive du risque de récidive vaginale ni de cancer invasif. Les données précédentes de la littérature avaient déjà montré que ce risque est comparable au risque de récidive d’une LIEHG cervicale après une conisation en marges saines (3). Ce point justifie d’ailleurs la recommandation du maintien d’une surveillance du fond vaginal pour toutes les patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie pour une LIEHG du col utérin ou ayant un antécédent de traitement d’une LIEHG (4). Toutes ces patientes doivent être surveillées de la même manière qu’une patiente ayant bénéficié d’une conisation pour une LIEHG avec un premier test HPV seul à 6 mois puis tous les 3 ans s’il est négatif. Une colposcopie ne sera indiquée que si le test HPV est positif ; la cytologie n’ayant désormais plus sa place dans le suivi de ces femmes.

L’hystérectomie est malheureusement encore souvent considérée à tort comme une solution permettant de « se débarrasser des lésions du col de manière définitive », y compris par les patientes elles même qui demandent souvent cette intervention après un diagnostic de LIEHG. Cette étude montre bien que l’hystérectomie n’est pas plus efficace qu’une conisation, mais qu’elle est bien plus dangereuse. Elle ne doit pas être proposée à ces femmes tant qu’il reste un reliquat cervical suffisant pour permettre une nouvelle conisation et devra alors être suivie d’une surveillance régulière du fond vaginal.

Références bibliographiques

  1. Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie anormale. INCa 2016. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Conduite-a-tenir-devant-une-femme-ayant-une-cytologie-cervico-uterine-anormale-Thesaurus Consulté le 24 avril 2022.
  2. Ciavattini A et al. Hysterectomy for cervical intraepithelial neoplasia: A retrospective observational multi-institutional study. Int J Gynaecol Obstet. 2022. Online ahead of print.
  3. Schockaert et al. Incidence of vaginal intraepithelial neoplasia after hysterectomy for cervical intraepithelial neoplasia: a retrospective study. Am J Obstet Gynecol 2008;199(2):113.e1-5.
  4. Surveillance post-thérapeutique des lésions précancéreuses du col de l’utérus. INCa 2019. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Synthese-Surveillance-post-therapeutique-des-lesions-precancereuses-du-col-de-l-uterus Consulté le 24 avril 2022.