La FIV est une technique répandue à l’échelle mondiale et qui finance une industrie médicale extrêmement florissante et lucrative. Les patients paient habituellement cher les traitements de FIV et beaucoup sont prêts à « tout essayer » pour augmenter leur chance d’avoir un enfant. C’est ainsi que pour répondre à ce besoin, la majorité des cliniques de FIV sont amenées à proposer des tests ou des techniques additives, moyennant un surcoût, mais qui n’ont pas été systématiquement validés au préalable. En théorie, toute nouvelle technologie de FIV « prétendant » améliorer les taux de naissance, devrait être préalablement testée sur un modèle animal approprié, puis devrait intégrer des essais cliniques pour s’assurer de sa sécurité et enfin devrait faire l’objet d’un essai contrôlé randomisé (ECR) pour apporter la preuve de son efficacité et de son innocuité. C'est seulement alors que la technique pourra être mise en routine. Des études de suivi de la santé des enfants devront être entreprises par la suite, pour s’assurer de la sécurité à long terme de la procédure.

En 2009, au Royaume Uni , le comité de fertilité qui établit les règles de bonnes pratiques en reproduction , a déclaré qu’il était nécessaire de mettre en œuvre des essais cliniques autour de ces techniques complémentaires utilisées en FIV pour diminuer le fossé entre ce qui relève de l’empirisme et les preuves (2).

Dans l’article du Pr Harper (1) publié en 2017 dans Human Reproduction, certains des traitements ou tests complémentaires proposés dans les laboratoires d'AMP sont abordés : les composés de colle embryonnaire, la fragmentation de l'ADN spermatique, l’embryoscope, le dépistage génétique préimplantatoire, la mesure du taux d'ADN mitochondrial et l'éclosion assistée. L’objectif de cette publication était d’évaluer les différentes techniques sur leurs résultats en termes de sécurité, d’efficacité et sur l’augmentation des taux de naissances.  En voici une synthèse.

1) Colles embryonnaires et composés d’adhérences

L’usage des colles a été proposé dès 1990 par Feichtinger (3) afin de réduire les grossesses extra-utérines et d’augmenter les taux de naissances. Malgré des promesses un peu hâtives, ce traitement n’a jamais démontré d’augmentation des taux de grossesses cliniques.

Plus récemment d’autres auteurs (4) ont proposé d’utiliser au moment du transfert embryonnaire un milieu supplémenté en acide hyaluronique. En effet, théoriquement l’acide hyaluronique est une glycoprotéine naturellement présente dans le tractus génital féminin qui  pourrait former une solution visqueuse afin d’améliorer l’adhérence de l’embryon à l’endomètre et empêchait ainsi son expulsion. Les données publiées sur son usage sont très controversées (4). La plus récente Cochrane a repris 17 essais randomisés sur le sujet et a conclu, avec un faible niveau de preuve, à une augmentation des taux de grossesses cliniques et taux de naissances associé à une augmentation des grossesses multiples lorsque le milieu de transfert était supplémenté avec de l’acide hyaluronique (4). Les auteurs ont conclu que des nouvelles études plus approfondies étaient nécessaires pour évaluer notamment les taux de grossesses multiples après transfert d’embryon unique avec le milieu supplémenté.

La dernière étude randomisée réalisée par Francsovits (5) et son équipe sur 581 cycles n’a pas montré de bénéfice en terme  de taux d’implantation, ni de grossesse, ni de naissance. Ils ont remarqué un poids plus élevé à la naissance des bébés issus de transfert avec le milieu supplémenté avec de l’acide hyaluronique.

2) Test de fragmentation d’ADN spermatique

De nombreuses cliniques proposent pour tous leurs patients des tests de fragmentation d’ADN spermatique. Il en existe de très nombreux commercialisés (6) : TUNEL, COMET, SCD essai, SCSA et 8OHdG test. Ils mesurent des types de dommages d’ADN différents et présentent des sensibilités analytiques différentes. A ce jour, aucun de ces tests ne s’est distingué particulièrement et ne présente une valeur diagnostique supérieure. Ces tests peuvent être utilisés ponctuellement pour poser l’indication et le suivi d’un traitement antioxydant.

Toutefois, le dernier rapport de la Cochrane a rapporté avec un niveau de preuve faible, que l’usage de traitements antioxydants chez l’homme dont les spermatozoïdes souffrent de stress oxydatif augmente les chances de grossesses et de naissances (10).

Osman et son équipe (7) ont montré sur une méta analyse que les hommes dont le taux de fragmentation d’ADN est bas, sont associés à un taux de grossesses de leurs partenaires plus élevé, mais les preuves manquaient lorsque la technique d’ICSI (injection intra cytoplasmique de spermatozoïdes) était utilisée. Ils ont donc conclu sur la nécessité de réaliser de nouvelles études randomisées pour comprendre le rôle de l’ICSI versus la FIV chez les hommes dont le taux de fragmentation d’ ADN était élevé.

Simon et son équipe (8) en 2016 ont examiné, sur 8068 cycles de FIV, les taux de fragmentation d’ADN mesuré par quatre techniques de dosages différentes et ont retrouvé une association faible mais statistiquement significative entre le taux d’ADN fragmenté et le taux de grossesses cliniques. Cependant ils ont conclu, que les résultats variaient en fonction de la méthode de dosage utilisée.

Le comité de l’ASRM (société Américaine médicale de la reproduction) a conclu que les méthodes de dosage sur l’intégrité de l’ADN spermatique ne permettaient pas de prédire de manière fiable les résultats et ne devaient pas être recommandées en routine (9).

3) Technologie de l’embryoscope

Le système d’observation en continu du développement embryonnaire ou « embryoscope» est une animation vidéo réalisée par une série de photographies de l’embryon prises à intervalles réguliers, pour visualiser en un temps court, l’évolution de l’embryon photographié sur une période longue. Cette technologie a comme avantage d’être un bon outil d’enseignement, de contrôle de qualité, et permet de ne pas « rater »d’événements importants pouvant survenir pendant la culture embryonnaire.

Meseguer en 2011(11) a exploité les différentes données cinétiques de 247 embryons qui se sont implantés, en se servant de l’embryoscope. Il a créé des algorithmes de prédiction d’implantation. Depuis, le dernier modèle de prédiction a été publié en 2016, mais nécessite encore des études prospectives pour être validé.

Rubio(12) et son équipe ont réalisé une étude randomisée en 2014 sur 843 patients. Ils ont conclu à une augmentation de 9.7% des taux de grossesses cliniques avec la technologie de l’embryoscope versus la culture traditionnelle.

Cependant lors de la plus récente étude de la Cochrane (13) les auteurs ont conclu qu’il n’y avait pas de différences significatives prouvées sur les résultats en terme de naissances, fausses couches, taux de grossesses cliniques, permettant de choisir entre la technique conventionnelle d’incubation et la technologie de l’embryoscope. De nouvelles études randomisées vont être nécessaires pour déterminer, si l’amélioration des résultats est liée à la meilleure sélection embryonnaire ou du fait d’une culture embryonnaire ininterrompue.

Dans le futur, le défi pour cette technologie sera d’optimiser son rôle au sein du laboratoire et de trouver des moyens de réduire son coût.

4) Sélection génétique pré-implantatoire(Preimplantation genetic screening)

Dans les années 90, le postulat a été de dire que la sélection pré implantatoire allait augmenter les taux de grossesses car seuls les embryons euploïdes seraient sélectionnés et transférés. Il est apparu de façon surprenante que des anomalies méiotiques avaient pour origine non seulement l’ovocyte comme attendu, mais se produisaient aussi au stade post zygotique donnant ainsi de nombreux embryons mosaïques contenant à la fois des cellules normales et des cellules aneuploïdes.

Après analyse de 11 études randomisées, cette technique n’a pas montré de meilleurs résultats, voir dans certains cas une baisse des taux de naissances (14).

Il a été montré que lorsque le test était réalisé au 3ème jour après la ponction  certaines difficultés apparaissaient : le manque de précision de la technique de FISH, un nombre limité de cellules disponibles pour la biopsie, et surtout les embryons qui atteignent à ce stade un pic d’anomalies chromosomiques et de mosaicismes.

Avec l’arrivée des nouvelles technologies, la réalisation du test 5 jours après la ponction devrait permettre d’améliorer les résultats (15). Malgré ces allégations, à aujourd'hui seules 3 études randomisées ont été publiées, toutes les trois critiquées pour leur critère d’inclusion (faible effectif, patientes jeunes de bons pronostiques). Les données actuelles ne suffisent pas pour apporter la preuve de l’efficacité de la technique

Actuellement, deux vastes études randomisées sont en cours pour évaluer ce test et les résultats sont attendus prochainement.

5) Dosage du taux d’ADN mitochondrial

En 2015, deux études (16) (17) ont fait état d’une association entre un taux d’ADN mitochondrial élevé et un taux faible d’implantation de blastocystes, expliqué par le fait que les embryons ayant un taux élevé d’ADN mitochondrial, subirait un stress métabolique et aurait une perturbation énergétique.

Une étude de Diez et Juan (16) a montré une relation entre aneuploïdie du blastocyste et taux élevé de l’ADN mitochondrial. Deux essais randomisés sont en cours pour déterminer un seuil d’ADN mitochondrial en dessous duquel les embryons ne s’implantent pas.

Ce dosage ne devrait pour l’instant être préconisé que dans le cadre de la recherche pour les essais et cette information devrait être clairement communiquée au patient.

6)Technique de l’éclosion assistée

Cohen et son équipe (18) ont proposé la technique de l’éclosion assistée : une brèche dans la zone pellucide pour faciliter l’implantation embryonnaire. Pour ce faire, on peut utiliser un laser ou une solution acide ou faire la brèche de façon mécanique. Les indications retenues pour cette technique sont habituellement : âge maternelle avancée, les fumeurs, les patientes avec une FSH élevée ou pour le transfert d’embryon congelé.

Trois méta analyses ont montré une augmentation significative des résultats sur les taux de grossesses cliniques mais pas sur les naissances.

En 2011 Martins (19) et son équipe ont montré de meilleurs résultats avec l’usage de cette technique dans 2 indications : le transfert d’embryons congelés, et après des échecs  répétés d’implantation,  mais ils n’ont pas trouvé de bénéfices chez les femmes « âgées ».

La Cochrane de 2012 a conclu qu’il n’y avait pas de preuve d’augmentation des taux de naissance avec cette technique. Le NICE (National Institute for Clinical Excellence) indique que l’éclosion assistée n’est pas recommandée car elle n’augmente pas les taux de grossesses.

Conclusion

Tableau I : Etat actuel des éléments de preuve relatifs aux techniques adjuvantes utilisés dans le laboratoire de FIV.

Techniques complémentaires

Niveau de preuves  (concernant l’augmentation des taux de naissances)

Colle embryonnaire et composés d’adhérence

  Les preuves publiées peuvent suggérer un effet bénéfique, mais d'autres essais randomisés  sont nécessaires en ce qui concerne le transfert d’embryon unique  et la gestion du taux de grossesses multiples.

Test de fragmentation d’ADN spermatique

  Preuve limitée

Embryoscope

  Preuve limitée

PGS (screening génétique préimplantatoire)

  Preuve limitée

Dosage du taux d’ADN mitochondriale

  Aucune preuve

Eclosion assistée

  Aucune preuve

Il n’existe quasiment pas d’étude randomisée sur l’impact de ces techniques « additives » sur la santé des enfants et leur développement,  seules quelques études et uniquement rétrospectives. Deux études concernant la technique d’éclosion assistée rapportées par la Cochrane, font état d’anomalies congénitales, soulevant ainsi de nombreuses questions sur les risques liés à cette procédure (20).

Ceux qui préconisent des procédures non prouvées à leurs patients doivent s’assurer que l’information a été loyale et complète pour les aider à prendre leur décision de façon éclairée. Les organismes de réglementation et les organismes professionnels ont également un rôle à jouer pour s’assurer que les bonnes pratiques sont suivies dans les cliniques.

Bibliographie

(1) Harper J, Jackson E, Sermon K , Aitken RJ ,  Harbottle S , Mocanu E , Hardarson T, Mathur R , Viville S, Vail A , Lundin K. Adjuncts in the IVF laboratory: where is the evidence for ‘add-on’ interventions?.Hum Reprod 2017 Vol.32, No.3 pp. 485–491.
(2) Nardo LG, El-Toukhy T, Stewart J, Balen AH, Potdar N. British fertility society policy and practice committee: adjuvants in IVF: evidence for good clinical practice. Hum Fertil 2015;18:2–15.
(3) Feichtinger W, Strohmer H, Radner KM, Goldin M. The use of fibrin sealantfor embryo transfer: development and clinical studies. Hum Reprod1992;7:890–893.
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(8) Simon L, Zini A, Dyachenko A, Ciampi A, Carrell DT. A systematic review and meta-analysis to determine the effect of sperm DNA damage on in vitro fertilization and intracytoplasmic sperm injection outcome. Asian J Androl 2016;18:1–11; Fertil Steril 2013;99:673–677.
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(18) Cohen J, Elsner C, Kort H, Malter H, Massey J, Mayer MP. Impairment of the hatching process following IVF in the human and improvement of implantation by assisting hatching using micromanipulation. Hum Reprod 1990;5:7–13.
(19) Martins WP, Rocha IA, Ferriani RA, Nastri CO. Assisted hatching of human embryos: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Hum Reprod 2011;17:438–453.
(20) Carney SK, Das S, Blake D, Farquhar C, Seif MM, Nelson L. Assisted hatching on assisted conception (in vitro fertilisation (IVF) and intracytoplasmic sperm injection (ICSI)). Cochrane Database Syst Rev 2012.