En 2005, le système Intuitive Surgical Da Vinci® a reçu l'autorisation de la Food and Drug Administration pour une utilisation dans des procédures gynécologiques. Les avantages de la chirurgie robotique les plus fréquemment cités sont la vision en trois dimensions, le filtrage des tremblements du chirurgien par l’interface informatique, la précision des mouvements et l’amélioration de l’ergonomie du chirurgien (1-4). Aujourd’hui, l’utilisation de la chirurgie robot-assistée s’est généralisée à toutes les spécialités avec une répartition assez inégale en fonction des pays.

Place de la France en chirurgie robotique

Actuellement, au niveau mondial, on enregistre plus de 1 million de procédures robotiques, toutes indications confondues. Il existe en 2019, 3383 systèmes robotiques aux USA, 911 en Europe dont 153 en France. Les robots chirurgicaux en France sont répartis pour moitié dans les hôpitaux publiques et pour moitié dans les hôpitaux privés, pour environ 67 millions d’habitants. L’accès à la chirurgie robotique en France est donc moins important qu’aux USA qui comptent 3383 systèmes pour 330 millions d’habitant (soit 1 robot pour 438 000 habitants en France contre 98 000 habitants aux USA). Cette différence d’accès s’accompagne d’une inégalité de répartition des indications opératoires robotiques entre les pays. Ainsi, aux USA (et dans le monde), 1/3 des indications robotiques sont urologiques, 1/3 digestives et 1/3 gynécologiques. En France, avec 30 000 procédures par an, 60% des indications robotiques sont urologiques, 16% sont digestives et 14% gynécologiques. Cet accès contraint de la gynécologie à l’outil robotique en France entraine une répartition très différente des voies d’abord par rapport à d’autres pays. Ainsi, aux USA et en Europe du Nord, pays à large accès au robot, 30% à 40% des hystérectomies réalisées au robot le sont pour une indication maligne, contre 70% en France. De même, quand on regarde la part des voies d’abord pour chaque indication d’hystérectomie, on observe que dans les pays à large accès, 75% à 80% des hystérectomies pour indication maligne (essentiellement le cancer de l’endomètre) sont réalisées à l’aide du robot contre 13% en France (5).

Apport du robot en oncologie gynécologique : Exemple du cancer de l’endomètre

La faisabilité de la stadification chirurgicale des cancers de l’endomètre, qu’ils soient de bas, moyen ou haut risque (figure 1), par coelioscopie robot-assistée n’est plus à démontrer (6-8). Les temps opératoires de la chirurgie robot-assistée, sont plus longs que la laparotomie mais plus court que la cœlioscopie simple. Ainsi, on enregistre des temps opératoires moyens de 190 à 242 minutes pour le robot contre 213 à 287 minutes pour la cœlioscopie simple (p<0.05) (6, 9 et 10). L’introduction du robot que ce soit à l’échelle d’une équipe ou d’une population permet d’augmenter le taux de minivasif et de diminuer les complications post-opératoires, y compris par rapport à la cœlioscopie (11,12). Ainsi, dans le cancer de l’endomètre, on observe une prise en charge par laparoscopie pour un peu moins de 60% des patientes et la laparotomie est pratiquée pour 40% des patientes depuis plus de 10 ans en France (13). Ce taux de laparoscopie augmente lentement, gagnant environ 1 point de pourcentage par an. En comparaison, le taux de laparoscopie aux USA était historiquement faible, estimé à environ 20% des cas de cancer de l’endomètre il y a une dizaine d’année. Avec l’accès au robot chirurgical, ce taux de chirurgie mini-invasive a augmenté brutalement pour permettre à 80% des patientes atteintes de cancer de l’endomètre de bénéficier d’une chirurgie mini-invasive robot-assistée aux USA. Ainsi, en moins de 10 ans, les Etats-Unis ont supplanté la France en termes de chirurgie mini-invasive dans le cancer de l’endomètre et font maintenant 20% de laparotomie de moins que les chirurgiens français pour la même indication. Ce phénomène a aussi été observé dans d’autre pays comme le Danemark (11).

Par ailleurs, la chirurgie robotique permet de diminuer le taux complications post-opératoires par rapport à la chirurgie laparotomique et aussi par rapport à la chirurgie laparoscopique simple (11,12). Par rapport à la cœlisocopie simple, le robot permet aussi de diminuer le taux de laparoconversion, et ceci est d’autant plus marqué chez les patientes obèses, notamment pour les IMC > 40 kg/m2 (14).

Enfin, il a été observé pour la première fois un impact sur la survie d’un programme robotique large à l’échelle d’une nation dans le cancer de l’endomètre. Au Danemark, l’augmentation du taux de chirurgie mini-invasive induit par le robot a permis de diminuer de manière significative d’environ 3% la mortalité par cancer de l’endomètre à 5 ans, et cette diminution est surtout importante chez les patientes fragiles, à savoir les patientes âgées avec des comorbidités (15).

Au total, la supériorité de la cœlioscopie robot-assistée par rapport à la cœlioscopie simple dans le cancer de l’endomètre semble indéniable, surtout sur un sous-groupe de patientes à risque comme les patientes obèses ou les patientes âgées et fragiles. Ceci se fait au prix d’un surcoût important du fait des coûts d’investissement et d’entretien actuels de l’outil robotique (16, 17). Nos tutelles administratives doivent maintenant se positionner sur le développement de la chirurgie robotique en gynécologie et autoriser ces investissements pour permettre à nos patientes d’en bénéficier au même titre que les patients d’urologie.

 

Figure 1 :
installation du robot Si pour un curage lombo-aortique pour cancer de l’endomètre

Robot

Références

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3
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4. Descotes J-L, Rebillard X, Long J, Fiard G. Les raisons du succès de la chirurgie robot assistée en urologie. Bull Académie Natl Médecine. 1 sept 2017;201(7):105970.
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6. Hoekstra AV, Jairam-Thodla A, Rademaker A, Singh DK, Buttin BM, Lurain JR, Schink JC, Lowe MP. The impact of robotics on practice management of endometrial cancer: transitioning from traditional surgery.Int J Med Robot. 2009 Dec;5(4):392-7.
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13. Poupon C, Bendifallah S, Ouldamer L, Canlorbe G, Raimond E, Hudry N, Coutant C, Graesslin O, Touboul C, Collinet P, Bricou A, Huchon C, Daraï E, Ballester M, Levêque J, Lavoue V. Management and Survival of Elderly and Very Elderly Patients with Endometrial Cancer: An Age-Stratified Study of 1228 Women from the FRANCOGYN Group. Ann Surg Oncol. 2017 Jun;24(6):1667-1676.
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