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Jacques MARCHETTA

Aspects colposcopiques des transformations atypiques majeures

 

Jacques MARCHETTA
Colposcopie en Pays de Loire – ANGERS - NANTES


Résumé
C'est dans la pathologie de haut grade, c'est-à-dire dans la reconnaissance des signes de gravité, que la colposcopie trouve son meilleur rendement.
Que ce soit à travers la classification internationale de l’IFCPC qui individualise des Grades 2 ou par l'utilisation de la terminologie de la Société Française de Colposcopie et Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV) qui a dressé des tableaux pathologiques dits de Transformation Atypique de Grade II (TAG II), les signes individuels de gravité gardent leur meilleur rendement. Ceci se traduit essentiellement par des perturbations de la réactivité à l'acide acétique (acidophilie épaisse, mosaïque irrégulière et ponctuation grossière), par des modifications des orifices glandulaires notamment leur déformation en fente ou faille. Les derniers courants anglo-saxons ont voulu donner de la valeur à de nouveaux signes en particulier le « inner border sign » ou signe de la bordure interne, dont la valeur prédictive positive dans le diagnostic des CIN III mérite d’être encore approfondie.
L’école française complète l’identification des tableaux de gravité par le test au Lugol (test de Schiller) dont la principale valeur est l’aspect iodo-négatif jaune.
La connaissance de ces signes de gravité doit appartenir aux compétences basales de tout chirurgien gynécologue afin de pouvoir obtenir des diagnostics pertinents et surtout d'effectuer des interventions réglées sur le col assurant le respect maximal des compétences obstétricales chez les patientes en âge de procréer.

Si on connait l’excellente sensibilité de la colposcopie, on regrette sa faible spécificité qui ne dépasse pas 48 % [1]. Néanmoins, dans le cadre des pathologies cervicales de haut grade, la colposcopie trouve un bien meilleur rendement avec une performance moyenne pondérée atteignent 59 % [2]. C’est aussi la grandeur et la magnificence de la colposcopie que de nous donner cette chance extraordinaire de retrouver une lésion de haut grade alors que l’examen était motivé par une cytologie de bas grade. Cette situation se rencontre dans une proportion non négligeable puisqu’elle est estimée à 15 % [3] des colposcopies faites pour un frottis de bas grade.
N’oublions pas toutefois que cette bonne rentabilité de l’examen colposcopique ne peut rester indépendante de la qualité du colposcopiste, qui doit donc parfaitement maitriser la reconnaissance des signes de gravité qui font les aspects de « transformations majeures ».
Nous présentons ici les critères des zones pathologiques dites de Grade 2, mais soulèverons auparavant la question des terminologies dans les différentes classifications colposcopiques qui existent aujourd’hui et qu’il est intéressant de comparer. 

 

1) Lésions « majeures » et terminologies :

Les différentes et successives terminologies colposcopiques ont toujours essayé de serrer au plus près, dans leurs descriptifs, l’évolution physiologique, physiopathologique et pathologique du col.

Que ce soit la « vieille » mais tenace terminologie de le Société Française de Colposcopie et Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV) datant de 1983 [4], ou la classification de la Fédération Internationale de Pathologie Cervicale et Colposcopie (IFCPC) [5] qui a trouvé sa dernière « mouture » à Rio en Juillet 2011 [6] , toutes décrivent le col normal, puis ses séquelles bénignes de transformations souvent secondaires aux métaplasies et enfin les aspects pathologiques évoquant des lésions de néoplasie intra-épithéliale cervicale

La classification de la SFCPCV a regroupé sous le vocable de Transformation Atypique de Grade 2 (TAG 2) les tableaux colposcopiques comportant des signes de gravité imposant une biopsie car traduisant dans 70 % des cas une lésion pré-néoplasique.
La terminologie de l’IFCPC, qui avait longtemps cultivé une description unitaire, signe par signe, chaque signe pouvant être perturbé de façon « mineure » ou « majeure » mais sans regroupement en tableaux, parle maintenant de zones pathologiques de « Grade 1 ou 2 », se rapprochant ainsi des principes de la SFCPCV.

Si un diagnostic colposcopique de Grade 2 ou de TAG II est posé, un prélèvement biopsique s’impose car il y a 70 % de chances [7] de retrouver à son niveau un processus de néoplasie intra-épithélial de haut grade.

 

2) Principes physiopathologiques :

A l’inverse des zones correspondant à des processus de « réparation » et qui génèrent des transformations atypiques mineures (Grade 1 de l’IFCPC ou TAG I de la SFCPCV), les zones de transformation majeure sont dans une majorité de cas induites par un processus de « prolifération » pathologique.
Dans les Grades 2 ou les TAG II, il en est donc fini du caractère plan des épithéliums de régénération, ces zones comportent toujours la notion d’épithélium prolifératif leur donnant un certain relief plus ou moins marqué par rapport au reste du col.
Une caractéristique colposcopique fondamentale est donc à retenir : tout ce qui répare est plan, tout ce qui prolifère est en relief. La bonne connaissance de ce principe permet souvent de guider la biopsie lorsqu’une hésitation subside entre 2 sites.

Ce phénomène prolifératif est donc constitué d’une abondante richesse de cellules non ou mal différenciées. Les aspects colposcopiques des transformations majeures sont donc surtout marqués par l’acidophilie en raison de la richesse protéique, et par la iodo-négativité liée à l’absence de maturation cellulaire donc à l’absence de charge en glycogène.
Toutefois, la terminologie internationale ne décrit que les aspects à l’acide acétique, et les aspects au Lugol sont l’apanage exclusif de la terminologie SFCPCV (les TAG II forment des tableaux colposcopiques tenant compte des 2 réactifs)

La classification des TAG II selon la Société française de colposcopie reconnaît trois stades : TAG II a, b ou c. Nous ne détaillerons pas trop ces trois degrés qui n’apportent pas une valeur diagnostique majeure, mais qui viennent peut-être quelque peu compliquer l’assimilation de ces notions par le jeune colposcopiste. Ces trois stades correspondent en fait aux degrés plus ou moins marqués de la destruction épithéliale, allant :
-  de l’épithélium encore intact (TAG IIa) avec simple aspect congestif péri-orificiel 
- en passant par un début d’érosion avec apparition des zones rouges, mais il existe « plus de blanc que de rouge » (TAG IIb)
- jusqu’au processus destructif avec chorion altéré et ulcérations (TAG IIc). Les zones rouges prédominent et la réaction acidophile ne peut plus s'exprimer.
La terminologie internationale n’intègre pas les aspects vasculaires dans les Grades 2, il n’y a donc pas la notion de « stades » mais simplement de « grades ».

 

3) Critères colposcopiques :

• Examen sans préparation

L’aspect est dominé par l’inflammation donc par des zones rouges pouvant aller jusqu’à l’ulcération. Il faut surtout observer l’aspect des vaisseaux dont la gravité réunit 4 signes :

Ces 4 signes sont tous présents sur un vaisseau gravement pathologique.

• À l’acide acétique

a- L’acidophilie correspond à l'extrême richesse protéique des cellules dysplasiques. Elle est blanc mate, épaisse, irrégulière, en surélévation par rapport au tissu normal. Les contours sont volontiers mal définis sur la zone de progression.

L’aspect géographique sur le col de la zone lésionnelle traduit le processus expansif et prolifératif parti de la jonction près de l’orifice externe et s’étendant sur le col vers sa périphérie. On observe donc une base plus large près de l’orifice externe s’étirant de façon centrifuge (Voir la photo), formant ainsi une image triangulaire à sommet périphérique (c’est donc une topographie typiquement inverse des zones de TAG I).
Si la jonction pavimento-cylindrique était endocervicale, la prolifération pathologique induite par HPV a donc débuté dans l’endocol car le virus investit toujours les épithéliums malpighiens par la jonction. Elle évolue ensuite vers l’exocol, de sorte que la zone la plus grave n’est pas toujours au niveau de la partie la plus visible de la zone anormale et il faut s’acharner lors de l’examen colposcopique à trouver la limite interne de cette zone.

b- Les images de mosaïque et de ponctuation

  • Les ponctuations correspondent aux remontées conjonctivo-vasculaires du chorion dans l’épithélium pathologique. Dans les Grades 2 elles sont dites « grossières » c’est-à-dire à points très marqués de grosseur variables et répartis irrégulièrement.

     
  • Les mosaïques sont construites par l’enfoncement des bourgeons d’épithélium prolifératif en profondeur, et par les remontées conjonctivo-vasculaires non plus en doigt de gant mais en murets. Cette mosaïque est habituellement très marquée, faite de pavés irréguliers et d’autant plus pathologiques que ces pavés sont ouverts (Voir la photo), c’est-à-dire formés seulement de trois côtés (traduisant la réunion des bourgeons tumoraux entre eux, ce qui veut dire que la prolifération cellulaire est intense et a effondré 1 voire 2 murets). Les pavés de mosaïque sont parfois marqués dans leur partie centrale par un trait rouge correspondant à une expansion vasculaire tout à fait péjorative (Voir la photo). Lors de la biopsie, il faut privilégier le site du prélèvement sur une mosaïque au niveau de ces 2 types de pavés.

c- Orifices glandulaires cernés de façon épaisse, pouvant se trouver déformés en fente, déformation de valeur péjorative très importante. Au maximum peuvent se créer de véritables failles de quelques millimètres de longueur. Un orifice glandulaire représente une minuscule jonction pavimento-cylindrique par laquelle HPV a pu pénétrer. Son caractère acidophile est donc suspect et l’intensité de la prolifération cellulaire aboutit à sa déformation qui est alors un signe péjoratif.

d- autres signes des zones acidophiles :
ils ne sont décrits [8] que dans la récente terminologie de l’IFCPC :
- le « inner border sign » [9] ou signe de la bordure interne (Voir la photo). Il s’agit d’une sorte de ligne de démarcation entre un aspect acidophile épais et un aspect moins dense et volontiers iode-inhomogène au sein d’une même zone acidophile. Ce signe correspond à la rencontre de 2 mouvances sur le col, l’une centripète de métaplasie malpighienne partie de la périphérie d’un ectropion (TAG I), l’autre centrifuge de prolifération dysplasique partie de la jonction à l’orifice externe (TAG II). Ce signe est très important pour limiter exactement la limite externe d’une zone pathologique (TAG II) qui est aussi la limite externe d’une résection à l’anse diathermique lorsque celle-ci se veut économe sur un col de femme jeune en âge de procréer.
- le « ridge sign » ou signe de la crête (Voir la photo), c’est-à-dire une zone acidophile en relief ou en chaine de montagne. En général ce signe s’observe au niveau de la limite interne d’une TAG II, là où l’HPV a pénétré donc là où la prolifération tissulaire pathologique est maximale. L’aspect est celui d’une falaise en bord de mer !
- le « rag sign » pouvant se traduire par signe du torchon correspondant à une zone très acidophile se décollant à la pression laissant alors une zone d’abrasion (la zone décollée se ratatine comme un torchon)
Les auteurs s’attachant à la description de ces signes prétendent qu’ils traduisent une pathologie de CIN III dans, globalement, 70 % des cas avec une forte valeur prédictive positive notamment du « inner border sign » - 98 % de CIN II-III
Toutefois nous sommes quelque peu surpris que ces signes peu connus et n’ayant donné lieu à publication uniquement par 2 auteurs aient trouvé une place dans une classification internationale reposant habituellement sur un niveau de preuves plus tangible !

  • Zone rouge péri-lésionnelle : sous une zone de TAG II, la congestion du chorion sous-lésionnel est importante, mais l’épaisseur et l’intensité de l’acidophilie masquent cette rougeur chorionique. Par contre, en périphérie de la zone pathologique, l’inflammation du chorion qui déborde la zone acidophile peut être à nouveau observée sous forme d’une bordure rouge cernant l’acidophilie (Voir la photo). Cet aspect est à l'opposé de celui des TAG I où les zones rouges sont toujours en dedans de la zone acidophile. Cette disposition de la zone rouge dans les TAG II est décrite sous forme de « bourrelet rouge » péri-lésionnel.
     
  • Plage leucoplasique : volontiers située au sein même de la zone pathologique. Elle traduit un degré plus avancé de TAG II et impose toujours un prélèvement biopsique à son niveau.

            Si nous ne faisons référence qu’à la terminologie internationale, l’analyse des aspects colposcopiques des zones de gravité majeure est ici terminée ! En effet, les aspects au Lugol (test de Schiller) n'appartiennent pas à la terminologie internationale et sont l'apanage exclusif de la terminologie colposcopique de la SFCPCV.
A nos yeux de colposcopistes Français, nous ne pouvons guère nous passer de cet outil qui a été le fleuron de la Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale – SFCPCV- [10] et complète de façon pertinente le tableau colposcopique des zones de gravité.

Au Lugol :
La zone de TAG II apparaît bien sûr iodo-négative puisque l’épithélium pathologique ne présente pas de maturation correcte, donc pas de charge en glycogène. Il s’agit toujours d’une iodo-négativité franche et jamais d’un aspect iode inhomogène (l’éventuelle infestation par HPV ne se traduit plus sur un épithélium dysplasique avancé). Parfois, les images de mosaïque ou de ponctuation peuvent encore s’observer sous Lugol.
La iodo-négativité grave prend un aspect jaune paille, traduisant volontiers la nécrose tissulaire. Il convient de bien noter cette caractéristique car au sein d’une plage iodo-négative, il faut impérativement porter le prélèvement biopsique sur ces aspects jaune paille au niveau desquels siège en général le maximum de gravité.
Les limites des zones iodo-négatives d’une TAG II sont dites floues. Ceci ne paraît pas particulièrement évident pour le jeune observateur, car cet aspect « flou » correspond au dénivelé entre la lésion proliférative et l’épithélium normal, ce qui donne donc une impression de moindre netteté comparée à une TAG I.
Rappelons que TAG I et TAG II peuvent être associées sur le même col, et cette situation n’est pas rare. Dans ce cas, les zones TAG I sont périphériques, les zones de TAG II sont plus centrales (cf le signe de la Inner Border Lign).

Conclusion :
Le diagnostic de TAG II repose sur une analyse colposcopique rigoureuse de la zone pathologique qui doit procéder par étapes successives :
- l’aspect global de la zone toujours en légère surélévation ;
- la topographie s’étirant de façon centrifuge sur l’exocol ;
- la recherche intensive des signes de gravité avec un maximum d’anomalies près de l’orifice externe.

    La conclusion du compte rendu colposcopique doit clairement indiquer si l’exploration peut être considérée comme complète ou non selon que la limite supérieure endocervicale des lésions est bien ou incomplètement vue.  L’examen colposcopique sera donc plus ou moins contributif pour définir les conduites à tenir et les indications thérapeutiques.

    La connaissance des signes de gravité doit appartenir aux compétences basales de tout chirurgien gynécologue afin de pouvoir obtenir des diagnostics pertinents mais surtout d'effectuer des interventions (conisations) réglées sur le col de l'utérus selon ses propres conclusions colposcopiques. La Charte de Qualité en Colposcopie exige d’ailleurs, pour prétendre au « volet » thérapeutique, de valider le « volet » diagnostic, seul comportement pertinent pour permettre le respect optimal des compétences du col dans le cadre d'éventuelles grossesses ultérieures tout en répondant aux impératifs carcinologiques.

Bibliographie :          
[1] Cox JT : Management of cervical intraepithelial neoplasia. Lancet. 1999 Mar 13 ; 353(9156) : 857-9
[2] Mitchell MF, Schottenfeld D, Richards-Kortum R : colposcopy for the diagnostis of squamous intraepithelial lesions :a meta-analysis. Obstet Gynecol. 1998 Apr; 91 (4) 626-31
[3] Higgins RV, Hall JB, McGee JA, Partridge EE : Appraisal of the modalities used to evaluate an initial abnormal smear Obstet Gynecol 1994; 84:174-8
[4] Barrasso R. Colposcopie, technique et applications pratiques. Contracept Fertil Sex 1996 Jan ; 24(1) : 18-21
[5] Hammes LS, Naud P, Syrjänen KJ. : Value of the IFCPC terminology in predicting cervical disease. J Low Genit Tract Dis 2007 Jul; 11 (3): 158-65
[6] Bornstein J, Bentley J, Prendiville W,Walker P.  2011 Colposcopic Terminology of the International Federation for Cervical Pathology and Colposcopy ; Obstet Gynecol 2012 ; 120 : 166-72
[7]  Baldauf JJ, Dreyfus M, Ritter J, Philippe E : An analys of the factors involved in the diagnostic accuracy of colposcopically directed biopsy
[8] Vercellino GF and al : Validity of the colposcopic criteria inner border sign, ridge sign and rag sign for detection of high-grade cervical intraepithelium neoplasia. Obstet gynecol 2013;121 (3): 624-631
[9]Scheungraber C, Glutig K, Duerst M, Schneider A. : Inner border- a specific and significant colposcopic sign for severe dysplasia. J Low Genit Tract Dis. 2009 Jan; 13 (1) : 1-4
[10] Barrasso R. Colposcopie, technique et applications pratiques. Contracept Fertil Sex 1996 Jan ; 24(1) : 18-21

Pour en savoir plus :
J. Marchetta et Ph. Descamps : La colposcopie, 3e édition Elsevier Masson Mars 2012
J. Monsonégo :Traité des infections et pathologies génitales à papillomavirus - Springer 2007

 

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