La maîtrise de la fertilité humaine constitue un enjeu majeur. Dans nos sociétés occidentales, l’objectif habituel est un nombre limité d’enfants, conçus à des périodes volontairement choisies. De multiples méthodes de contraception permettent d’éviter de façon quasi-certaine une grossesse non désirée, à des coûts et avec des risques faibles. Rendre possible une grossesse désirée avec la même efficacité à tout moment, et surtout tardivement, reste un challenge plus difficile. Parmi les méthodes cherchant à préserver la fertilité chez la femme, la vitrification ovocytaire s’est imposée comme le gold standard. Elle est déjà largement proposée, notamment avant traitement d’un cancer ou d’une endométriose sévère. Plus récemment se sont ajoutées les conservations chez les nullipares faisant un don d’ovocytes et les demandes de jeunes femmes ayant choisi de devenir des hommes. La préservation ovocytaire vise à assurer l’autonomie reproductive de la femme et à lui éviter de recourir ultérieurement au don d’ovocytes. On ne peut donc qu’être favorable à son développement et se réjouir de l’évolution de la position du Comité Consultatif National d’Ethique sur un possible élargissement de ses indications : l’avis 126 indiquait que différentes considérations l’avait conduit « à penser que la proposition d’autoconservation ovocytaire à toutes les femmes qui le demandent, en vue d’une utilisation ultérieure, paraissait difficile à défendre ». Dans l’avis 129, « une grande partie du CCNE suggère que la possibilité d’une autoconservation ovocytaire de précaution puisse être proposée, notant des positions divergentes au sein du Comité sur cette question ». L’avenir dira si le gouvernement retiendra finalement cette proposition et si les députés français la voteront lors de la prochaine révision de la Loi de Bioéthique.  

Et en même temps, plusieurs préoccupations ne doivent pas être éludées :

  • Vitrifier des ovocytes est plus contraignant et onéreux que congeler du sperme. Même très faibles, quelques risques doivent être rappelés aux demandeuses. Surtout, le nombre d’ovocytes nécessaires pour espérer statistiquement une grossesse (12 à 15 selon l’âge) peut rendre souhaitable de répéter la stimulation et le recueil d’ovocytes.
  • L’évolution vers l’insuffisance ovarienne étant inéluctable chez toutes les femmes, le distinguo entre préservation médicale prise en charge par la collectivité et sociétale financée par la femme est souvent arbitraire : à partir de combien de centimètres un endométriome constitue-t-il un risque médical d’insuffisance ovarienne ?
  • La préservation sociétale faciliterait à terme la gestion du don d’ovocytes : réduction de la demande et augmentation de l’offre si une partie au moins des ovocytes cryopréservés non utilisés étaient fléchés vers le don. Dans un premier temps cependant, elle pourrait pousser certaines femmes actuellement intéressées par une autoconservation partielle à l’occasion d’un don à préférer garder tous les ovocytes pour elles-mêmes.
  • Préserver des ovocytes trop tôt chez une femme jeune peut avoir un rapport coût / efficacité médiocre du fait du maintien de sa fertilité spontanée. A l’inverse, est-il opportun de susciter de faux espoirs chez des femmes de plus de 40 ans et / ou en insuffisance ovarienne avancée, ou atteintes d’un cancer évolué en fin de vie ?

La préservation ovocytaire : oui bien sûr, et en même temps se posent inévitablement des questions concernant ses modalités et ses limites. En cas d’ouverture à la préservation sociétale, celles-ci seront-elles fixées par la Loi et ses décrets d’application ? On peut espérer qu’une part d’appréciation au cas par cas sera laissée à la responsabilité des équipes médicales pluridisciplinaires.